CHAPITRE IX. VERTUS RÉELLES PARMI LES CATHOLIQUES.
Combien au contraire dans notre communion qui accomplissent véritablement ces sublimes préceptes de l'Evangile, dont vous ne prenez que l'apparence pour en imposer aux ignorants? Combien de chrétiens de l'un et de l'autre sexe, entièrement purs de tout commerce charnel ! combien qui, après avoir goûté les satisfactions de la chair, embrassent la continence ! combien qui abandonnent et distribuent leurs biens ! combien qui réduisent leur corps en servitude par des jeûnes fréquents de chaque jour ou prolongés d'une manière incroyable ! Que d'associations fraternelles ne possèdent rien en propre, où tout est en commun, n'ayant d'ailleurs que le nécessaire pour la nourriture et le vêtement, et dont les membres, embrasés du feu de la charité, ne forment qu'un coeur et qu'une âme en Dieu? Et encore, dans ces diverses professions, combien d'esprits hypocrites et pervers qui se découvrent ! combien d'autres en qui ces vices restent cachés ! combien qui, après les plus louables débuts, s'abandonnent bientôt aux désirs dépravés de leur coeur ! combien pour qui l'épreuve de la tentation fait voir que ce genre de vie n'était qu'un masque qui voilait d'autres desseins ! Mais aussi combien qui, humblement et inébranlablement attachés à leur sainte résolution, persévèrent jusqu'à la fui et arrivent au salut ! A leur suite viennent, dans une condition différente, mais unis par les liens de la même charité, ceux qui, eu égard à quelque nécessité, fidèles aux conseils de l'Apôtre, ont des femmes comme n'en ayant point, qui achètent comme ne possédant pas, et qui usent de ce monde comme n'en usant pas. A dette catégorie se rattachent aussi, par un effet de la miséricorde divine, dont le trésor est inépuisable, ceux à qui il est dit : « Ne vous refusez point l'un à l'autre le devoir conjugal, si ce n'est d'un consentement mutuel, pour un temps, afin de vous adonner à l'oraison ; et ensuite vivez ensemble comme auparavant, de peur que la difficulté que vous avez de garder la continence ne donne lieu à Satan de vous tenter. Je vous dis ceci par condescendance et non par commandement[^6] ». C'est à ces chrétiens que l'Apôtre adresse encore ces paroles: « C'est déjà certainement un péché parmi vous que vous ayez des procès les uns contre les autres ». Et prenant sur lui leur infirmité, il ajoute : « Si donc vous avez des différends au sujet des choses de cette vie, prenez pour juges les moindres personnes de l'Eglise[^7] ». Car ceux qui, pour pratiquer la perfection, vendent ou abandonnent tous leurs biens, et suivent le Seigneur, ne sont pas les seuls pour être appelés au royaume des cieux; à cette milice chrétienne se relie par les liens mystérieux d'une mutuelle charité, cette foule tributaire à qui il sera dit au dernier jour : « J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger[^1], etc. » Autrement il faudrait regarder comme voués à la damnation ceux dont l'Apôtre s'attache avec tant de soin et de sollicitude à régler la maison, recommandant aux femmes d'être soumises à leurs maris; aux maris d'aimer leurs femmes ; aux parents de bien élever leurs enfants, les instruisant et les corrigeant dans le Seigneur; aux serviteurs d'obéir avec crainte à leurs maîtres selon la chair; aux maîtres de donner à leurs serviteurs ce qui est juste et raisonnable[^2]. Assurément ces chrétiens, au jugement de l'Apôtre, sont loin d'être étrangers aux préceptes évangéliques, et indignes de la vie éternelle; car après cette sentence par laquelle le Seigneur exhorte les plus courageux à la perfection : « Si quelqu'un ne porte pas sa croix et ne me suit, il ne peut être mon disciple », il adresse immédiatement à ceux dont je parle ces consolantes paroles : « Celui qui recevra le juste en qualité de juste, recevra la récompense du juste; et celui qui recevra un prophète en qualité de prophète, recevra la récompense du prophète[^3] ». Non-seulement donc celui qui donnera à Timothée un peu de vin à cause de la faiblesse de son estomac et de ses fréquentes maladies[^4], mais même celui qui, à l'homme le plus sain et le plus robuste, procurera un verre d'eau froide, parce qu'il est mon disciple, ne perdra pas sa récompense[^5]».
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I Cor. VII, 5, 6.
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Id. VI, 7, 4.
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Matt. XXV, 35.
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Coloss. III, 18; IV, l.
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Matt. X, 38-41.
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I Tim. V, 23.
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Matt. X, 42.