CHAPITRE XIX. LA DOCTRINE CATHOLIQUE EST BIEN PLUS CROYABLE QUE LE SYSTÈME MANICHÉEN.
Excepté cela et les témoignages de l'Ancien Testament qui y sont cités, vous convenez que vous acceptez tout le reste, selon le langage de Fauste, « et principalement son mystérieux crucifiement, emblème des souffrances et des blessures de notre âme. Ensuite », ajoute. t-il, « nous reconnaissons sans hésiter comme venant de lui ses commandements salutaires, ses paraboles, et tout ce divin langage où se fait surtout sentir la distinction des deux natures ». Vous voyez donc que vous faites tout ce qu'il faut pour ôter aux Ecritures toute leur autorité, et laisser chacun libre d'y approuver ou d'y rejeter ce que bon lui semblera, c'est-à-dire de ne point soumettre sa foi à l'autorité des Ecritures, mais de soumettre les Ecritures à son propre jugement; de ne pas approuver un texte parce qu'il repose sur la sublime autorité de ces livres, mais de n'approuver ce texte que parce qu'il lui convient. Où vas-tu, âme misérable, faible, enveloppée des ténèbres de la chair, où vas-tu ? Voyons cependant : écarte cette autorité, écarte-la; écoute ta raison : ta raison en est-elle à ce point qu'à moins d'admettre que la nature divine est sujette à la profanation et à la corruption, votre longue comédie ne puisse avoir de dénouement ? En somme, comment sais-tu qu'il y a huit terres et dix cieux, portés par Atlas et suspendus par le porte-lumière? Com. ment sais-tu une foule d'autres choses de ce genre ? de qui les tiens-tu ? — C'est Manès, me diras-tu, qui m'a enseigné tout cela. — Mais, malheureux, tu as cru sur parole; tu n'as pas vu. Or, si tu admets par milliers des contes fantastiques dont le poids honteux t'accable, par soumission à l'autorité d'un homme entièrement inconnu et vrai fou furieux, parce que ces rêveries sont consignées dans des livres auxquels, par une misérable erreur, tu as cru devoir ajouter foi, bien qu'on te démontre que ce sont de pures chimères pourquoi ne te soumets-tu pas plutôt à l'autorité évangélique, si solide, si bien établie, propagée avec tant d'éclat, et transmise depuis les temps des Apôtres jusqu'à nos jours par des traditions non interrompues; de manière à croire, à voir, à apprendre que tout ce qui te choque dans les saints Livres, ne heurte en toi que de vains et coupables préjugés; qu'il est bien plus vrai que l'immuable nature de Dieu a pris quelque chose de la nature humaine, pour y faire et y souffrir, non fictivement, mais réellement et sans rien perdre de son immutabilité, tout ce qu'il convenait à cette même nature de faire et de souffrir pour le salut du genre humain, de qui elle était empruntée: que cela est plutôt vrai, dis je, qu'un système où il faut croire que la nature divine est sujette à la profanation et à la corruption ; que, souillée et opprimée, elle ne peut être entièrement affranchie ni purifiée, mais qu'elle est condamnée, par la loi divine de la nécessité, à la peine éternelle du globe ?