CHAPITRE V. ON DOIT CHERCHER A CONCILIER LES PASSAGES OPPOSÉS EN APPARENCE.
On peut admettre que nos livres saints renferment certains passages qui semblent être en contradiction avec quelque vérité dont le sens est très-obscur et difficile à saisir ; contradiction qui n'a pas encore été éclaircie, ou que des écrivains postérieurs, comme nous, ont fait disparaître dans leurs ouvrages, qu'ils composent, non comme règles de foi, mais comme exercices propres à développer l'intelligence de la vérité. Car nous sommes du nombre de ceux à qui l'Apôtre fait cette remarque : « Si vous avez quelque sentiment différent, Dieu vous découvrira ce que vous devez en penser[^2] ». Ces écrits n'imposent nullement au lecteur une croyance nécessaire, mais lui laissent la liberté de son jugement. Il était avantageux qu'ils pussent se produire, et que dans la suite des temps les écrivains fissent servir le talent précieux de la parole et de la composition à traiter et à élucider les questions difficiles ; ruais à côté de ces écrits s'élève et domine l'autorité canonique de l'Ancien et du Nouveau Testament, autorité confirmée du temps des Apôtres, et formant, par la succession des évêques et la diffusion des églises, comme un tribunal supérieur devant lequel doit s'incliner toute intelligence pieuse et fidèle. Là, s'il s'offre quelque absurdité apparente, il n'est pas permis de dire: L'auteur de ce livre s'est écarté de la vérité ; mais C'est l'exemplaire qui est défectueux, ou l'interprète qui s'est trompé ou le lecteur qui ne comprend pas. Quant aux livres des écrivains postérieurs, dont le nombre est infini, mais qui ne peuvent se comparer à l'excellence sacrée des Ecritures canoniques, quand même ils s'accorderaient tous à enseigner la même vérité, leur autorité reste toujours bien inférieure. Le lecteur ou l'auditeur qui croit y découvrir des passages en opposition avec la vérité, peut-être parce qu'il ne saisit pas la pensée de l'auteur, conserve la liberté de son jugement pour approuver ce qui lui plaît, et rejeter ce qui le choque ; et à moins qu'un argument irréfragable, ou l'autorité canonique de l'Ecriture ne vienne appuyer les enseignements ou les récits contenus dans ces ouvrages, et en démontrer la certitude ou la possibilité, on peut, sans être digne de censure, refuser son assentiment ou sa foi. Bien différente est l'autorité canonique de nos livres saints ; quand même, d'après le témoignage de cette autorité même, un prophète, un apôtre, ou un évangéliste eût été seul à enseigner ce qu'il a consigné dans ses écrits, il ne serait pas permis de le révoquer en doute ; autrement il n'y aura plus aucune page qui ne puisse servir de règle à la faiblesse et à l'ignorance de l'esprit humain, si une fois l'autorité salutaire des livres canoniques est complètement renversée par le mépris, ou éludée par la chicane.
- Philip. III, 15.