III.
Augustin. C'est parce que vous ne comprenez pas les saintes Écritures que vous êtes en proie à de si grandes erreurs ; et voici cependant que vous ne craignez pas d'invoquer ces mêmes Écritures pour patronner vos sophismes. Or, malgré tous ces passages que vous citez textuellement ou que vous dénaturez, vous n'avez pu prouver que pour soustraire son royaume aux attaques imminentes de la nature ennemie, et pour se procurer le repos et la tranquillité, Dieu ait mêlé sa substance, c'est-à-dire lui-même, à la nature des, démons, l'exposant ainsi, d'une manière infaillible, à toutes les hontes et à toutes les souillures possibles. Ne pouvant résoudre les objections qui vous sont faites, vous avez cité, de l'Écriture, les passages dans lesquels l'Esprit-Saint affirme que les pécheurs n'ont aucun droit à cette vie bienheureuse que Dieu accorde aux hommes justes et fidèles. De là vous concluez la dualité des natures, telle que Manès l'a rêvée dans son délire. Or, la Vérité nous déclare que tout ce qui existe, visible ou invisible, est l'oeuvre de Dieu. De plus la nature raisonnable, créée elle-même par Dieu, a été douée du libre arbitre dans la personne des anges et des hommes. En vertu de ce libre arbitre, si cette nature raisonnable soumet sa volonté à la volonté et aux ordres de Dieu, elle obtiendra pour récompense la félicité éternelle; au contraire, si elle use du pouvoir dont elle jouit, pour se révolter contre Dieu et fouler aux pieds ses commandements, Dieu, dans sa rigoureuse justice, la frappera de châtiments éternels. C'est ainsi que Dieu a manifesté sa toute-puissance par la création et manifesté sa justice par la punition des pécheurs. Quant au libre arbitre, qui donne le pouvoir de pécher si on le veut, ou de ne pas pécher si on ne le veut pas, je puis en prouver l'existence, non-seulement par les saintes Ecritures que vous ne comprenez pas, mais aussi par les paroles mêmes de Manès. En effet, quelque enchaîné qu'il soit dans le cercle de ses erreurs, il est forcé de reconnaître la puissance de la vérité, quoique dans ses rêves insensés et trompeurs il ait cherché à opposer à Dieu une nature que Dieu n'aurait point créée. Mais pour rendre témoignage à l'existence du libre arbitre, la nature humaine que Dieu lui a donnée a eu plus de puissance et d'efficacité que n'en a eu, pour le nier, la fable sacrilège qu'il a imaginée à plaisir.