XII.
Félix. Si nous jouissons du libre arbitre, que personne ne me fasse violence ; quand je voudrai, je serai chrétien. Il doit dépendre de notre volonté, d'être chrétien ou de ne pas l'être.
Augustin. Oui, la volonté nous appartient et nous est soumise, je l'ai clairement prouvé par les saintes Ecritures ; l'auteur même de votre hérésie en est convenu, forcé par l'évidence. Vous ajoutez : « Que personne ne me fasse violence, je serai chrétien quand je voudrai ». Personne, assurément, ne vous fait violence; quand vous voudrez, soyez chrétien; si vous êtes ici, c'est que vous l'avez voulu; vous avez également consenti à la discussion qui s'est engagée. Toutefois, malheur à la volonté mauvaise, si elle est mauvaise; et paix à la bonne volonté, si elle est bonne. Qu'elle soit bonne, qu'elle soit mauvaise, elle n'en reste pas moins la volonté. La couronne attend la bonne volonté, et le châtiment la mauvaise. Dieu est donc tout à la fois le Juge des volontés et le Créateur des natures. Si vous pensez que l'on vous fait violence pour vous rendre chrétien, sachez que jamais nous n'avons usé de coaction envers vous. Tout ce que nous vous demandons, c'est de peser et d'examiner ce que nous vous disons, et cela ne dépend que de votre volonté. Si la prudence vous dirige, fût-elle une prudence tout humaine, appliquez-la tout entière à examiner si nous vous disons la vérité, si vous êtes impuissant à justifier la doctrine de votre Manès, et ici l'évidence s'impose d'elle-même. Et quand cela vous plaira, soyez ce que vous n'êtes pas encore, et cessez d'être ce que vous êtes.