XVII.
Félix. Notre âme, qui a été souillée, vient-elle de Dieu? Si elle ne vient pas de Dieu, comment Jésus-Christ a-t-il été crucifié pour elle? Cependant il est certain que Jésus-Christ a été crucifié pour notre âme, et que cette âme vient de Dieu, qu'elle a été souillée et purifiée.
Augustin. Je dis que Dieu est le Créateur, non-seulement de notre âme, mais aussi de notre corps et de toute nature spirituelle et corporelle; cette vérité est de foi catholique. Mais entre ce que Dieu a engendré et ce qu'il a créé, n'y a-t-il pas une distance infinie? Ce que Dieu a engendré est égal au Père; ce que Dieu a créé ne peut être égal au Créateur. Ainsi nous mettons une distinction essentielle entre ce qui procède de la nature de Dieu, comme le Fils unique ou le Verbe, par qui tout a été fait et qui est Dieu lui-même[^1], et ce qui est sorti des mains de Dieu, qui a dit. et tout a été fait, qui a commandé et tout a été établi[^2]. Or, notre âme n'est qu'une simple créature de Dieu, sans être nullement engendrée de sa nature. Voilà pourquoi nous disons que ce qui a été engendré par le Verbe n'a pu, ne peut et ne pourra être souillé. Au contraire, notre âme constituée maîtresse du corps, avec mission d'obéir à son Supérieur et de commander à son inférieur, c'est-à-dire de servir Dieu et de régner sur le corps, s'est rendue coupable de péché en méprisant la loi divine; et Dieu, touché de miséricorde pour sa créature, a envoyé son Fils unique pour refaire ce qu'il avait fait. Quand il s'est agi de donner l'être à ce qui n'était pas, c'est le . Verbe qui a été la parole créatrice; quand il s'est agi de refaire ce qui s'était laissé corrompre, c'est le Verbe encore qui a revêtu notre humanité dans le sein de la Vierge Marie, afin que dans ce corps qui nous était commun, il montrât à l'homme ce qu'il devait souffrir et ce qu'il devait espérer. Il suit de là que la nature même du Verbe, en tant que substance du Fils unique de Dieu, ne put rien souffrir des persécutions des Juifs ni de la haine du démon. Mais en se revêtant de la chair il revêtit la mortalité, la souffrance, le changement; et dans cette chair il souffrit ce qu'il voulut pour nous donner l'exemple de la patience, et il nous reforma sur le modèle de la justice. Dites-moi donc si cette partie de Dieu peut être souillée, oui ou non. Si elle peut l'être, Dieu n'est donc pas incorruptible, et un tel langage mérite assurément l'anathème. Si elle ne peut être souillée, vous voyez que vous devez anathématiser Manès, puisqu'il assure que la partie ou la nature de Dieu a été mêlée à la nation des ténèbres, et qu'elle y a été tellement enchaînée et souillée, qu'elle a eu besoin d'être purifiée et délivrée.
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Jean, I, 3.
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Ps. CXLVIII, 5.