IX.
Mais en affirmant l'immutabilité de l'âme, peut-être pensez-vous pouvoir vous. appuyer sur les paroles suivantes : « Car elle n'a pas péché par sa propre volonté, mais sous l'impulsion et la direction d'un autre ; en effet, elle est gouvernée par le mélange de la chair et non par sa propre volonté ». Par ces paroles vous voulez dire, sans doute, que l'âme par sa propre nature est immuable, ruais que mélangée à une autre nature elle devient changeante. Remarquez donc que l'on ne vous demande pas s'il en est ainsi, mais pourquoi il en est ainsi. On a dit d'Hector, d'Ajax et même de tous les hommes et de tous les animaux, que leurs corps seraient appelés invulnérables s'il pouvait arriver que jamais aucune blessure ne les atteignît. Le corps seul d'Achille, si l'on en croit certaines fictions poétiques, fut regardé comme invulnérable ; cependant il put être atteint sur un point, sur ce point dès lors il ne fut point invulnérable. Si l'âme était immuable, aucun mélange, quel qu'il soit, ne pourrait la faire changer; comme un corps, s'il est invulnérable, ne peut être blessé par le contact ou le choc de quoi que ce soit. Nous, catholiques, nous disons du Verbe de Dieu qu'il est essentiellement immuable et incorruptible; en conséquence nous n'hésitons pas à enseigner que, revêtant une chair mortelle et vulnérable, afin de nous apprendre à mépriser la mort et toutes les souffrances corporelles, il a réellement pris naissance dans le sein d'une Vierge. Vous, au contraire, parce que vous poussez la perversité jusqu'à admettre que le Fils de Dieu est corruptible, vous craignez de le mettre en contact avec la chair; comme vous le proclamez de la même nature que l'âme, vous assurez qu'étant mêlé à la chair il subirait un véritable avilissement. Voyons, choisissez : Admettez-vous que Dieu est un être muable, et que de sa substance muable le Père a engendré son Fils également muable ? vous sentez toute l'impiété d'une pareille doctrine ; ou bien admettez-vous que Dieu est immuable, mais que de sa substance il a engendré un Fils muable ? cette seconde proposition ne doit pas vous paraître moins absurde et impie; ou bien admettez-vous non-seulement que Dieu est immuable, ruais que de sa substance il a engendré son Fils également immuable, et par là même étant comme lui le bien suprême et souverain? quant aux autres biens inférieurs, que nous appelons les créatures, admettez-vous qu'ils ne sont pas. de sa substance, autrement ils lui seraient égaux; que parce qu'ils sont de véritables biens, c'est Dieu qui les a créés; que parce qu'il les a tirés du néant, ils ne lui sont pas égaux? Si c'est là votre croyance, vous cessez d'être impie, vous oublierez les Perses et vous serez des nôtres.