XIII.
Il y a dans cette proposition trois choses que je remarque et que, sans doute, vous remarquez aussi vous-même. D'abord l'âme qui consent au mal; en second lieu le mal auquel elle consent ; en troisième lieu le consentement lui-même ; ce consentement, en effet, vous ne me direz pas que c'est l'âme elle-même, mais un acte de l'âme. Quant à l'âme, il est certain qu'elle est une substance; d'après votre opinion, le mal auquel l'âme consent est également une substance ; reste le consentement, est-il une substance, ou bien direz-vous qu’il est dans la substance ? Si vous en faites une substance, ce n'est plus deux substances que nous avons, mais trois. Comme vous n'en voulez que deux, vous direz sans doute que le consentement est de la même substance que l'âme elle-même. Alors, dites-moi, ce consentement est-il bon ou mauvais ? S'il est bon, il devient impossible d'admettre que l'âme pèche, quand elle consent au mal. Et cependant l'évidence elle-même proclame, et vous écrivez vous-même que l'âme pèche alors par sa volonté. Ce consentement est donc mauvais; conséquemment la substance de l'âme est elle-même mauvaise, puisque cette substance et le consentement ne font qu'une seule et même substance. Vous voyez à quelle extrémité vous êtes réduit; car il ne s'agit plus pour vous de soutenir l'existence de deux substances, l'une bonne et l'autre mauvaise, mais de deux substances également mauvaises. Attribuerez-vous le consentement coupable, non pas à l'âme, mais au mal auquel ce consentement est donné ? J'avoue que par cet ingénieux moyen vous conservez deux substances, mais l'une est bonne tandis que l'autre est mauvaise; l'âme reste bonne, tandis que le consentement mauvais, comme le mal auquel il est donné, forme la substance mauvaise. Ce moyen est ingénieux, mais n'est-il pas d'une absurdité évidente? En effet; si l'âme ne consent pas, ce n'est pas d'elle que vient le consentement; or, il est évident que c'est l'âme elle-même qui consent, le consentement est donc son oeuvre propre. D'un autre côté, si ce consentement est mauvais, il est clair que ce mal vient de l'âme. En soutenant que le mal qui affecte le consentement a pour principe le mal auquel l'âme consent, on est en droit de conclure que ce mal n'existait es avant que l'âme y consentît. Quelle espèce de bien est donc cette âme dont la présence double le mal ou du moins l'augmente ?