XVI.
Nous disions tout à l'heure que l'âme pèche en consentant au mal ; voyez maintenant si ce mal est une substance, ou s'il n'en est pas une. Comment le consentement se produit-il dans l'âme ; est-ce d'une manière instantanée, en sorte qu'on puisse dire de l'âme qu'elle consent, parce que ce consentement produit en elle une délectation qui l'entraîne vers la jouissance ? Admettons qu'il en soit ainsi ; on ne pourrait pas en conclure que cet objet est un mal, par le fait seul qu'il est aimé d'une manière désordonnée. Quand j'aurai prouvé que telle nature est l'objet d'un amour mauvais, ce n'est pas dans la créature aimée, mais dans celle qui aime que je trouverai le péché; vous avouerez vous-même qu'une chose n'est pas vicieuse, par cela seul qu'elle est l'objet d'une concupiscence mauvaise. Du reste je vais essayer de vous le démontrer d'une manière évidente. Sur ce point je ne suis embarrassé que du choix, car les preuves sur. abondent. Je ne veux que celle-ci . Pourquoi ce que nous admirons comme une créature céleste, l'adorez-vous comme étant une portion de la substance du Créateur lui-même? Parmi les choses visibles, la plus belle n'est-ce pas le soleil ? Eh bien ! je suppose qu'un homme, désireux de trouver un moyen de satisfaire d'injustes concupiscences, désire d'une manière immodérée jouir de la clarté du soleil, afin que partout son corps et surtout par ses yeux il puisse lancer le feu de la dispute; et, la fenêtre ouverte, plonger ses regards jusque dans la demeure de ses adversaires et y voir tout à ciel ouvert ; est-ce que le soleil est en lui-même un vice et un mal parce que cet homme va jusqu'à préférer sa lumière à celle de la justice, et parce qu'en voulant plonger ses yeux charnels et son corps tout entier dans des flots de lumière, il ferme son intelligence et son coeur à la lumière de l'équité ? Vous voyez donc qu'on peut avoir pour une chose bonne un amour mauvais. Dès lors, quoique vous affirmiez que tout objet auquel l'âme s'attache d'une manière criminelle, soit mauvais, moi je soutiens que cet objet est bon en lui-même, de telle sorte cependant qu'une âme plus parfaite ne voudrait pas s'y attacher, du moins de cette manière. Il est certain que l'âme est supérieure au corps, et qu'elle est inférieure à Dieu; il est certain aussi que le corps est bon en lui-même et quant à sa nature ; cependant l'âme pèche, et en péchant elle devient mauvaise, si elle reporte sur son corps l'amour qu'elle doit à Dieu.