XXI.
Mais, en ami bienveillant, vous me reprochez d'avoir quitté la doctrine manichéenne pour embrasser celle que renferment les livres des Juifs. Ces livres, en effet, pulvérisent vos erreurs et dévoilent vos mensonges ; car Jésus-Christ y est prophétisé tel qu'il est dans sa réalité divine, et non tel que le dépeint la vanité de Manès. Mais, en homme très-habile, vous attaquez l'Ancien Testament, parce que nous y trouvons des paroles comme celles-ci: « Engendre des enfants de fornication, parce que la terre se rendra coupable de fornication à l'égard du Seigneur1 ». Vous ne connaissez donc pas ce mot de l'Evangile
« Les prostituées et les publicains vous précéderont dans le royaume des cieux2 ». Je . connais la cause de cette bruyante indignation. Ce qui vous déplaît dans cette fornication, c'est qu'elle a été changée en mariage légitime et en pudeur conjugale. Quant à votre dieu, vous le croyez enchaîné dans la génération des enfants par les liens charnels les plus étroits et presque indissolubles; par conséquent, vous concluez que les prostituées, en se rendant impossible la génération, rendent un véritable service à votre dieu, tandis qu'en reculant devant les douleurs de la maternité, elles veulent uniquement se rendre plus libres de suivre leurs passions honteuses. L'enfantement n'est à vos yeux qu'une nouvelle prison garnie de chaînes, réservée à Dieu. Vous n'aimez pas davantage ces paroles : « Ils seront deux dans une seule chair3 », et cependant l'Apôtre glorifie ce mystère en l'appliquant à Jésus-Christ et à son Eglise. Vous n'avez pas une moindre horreur pour celles-ci: « Croissez et multipliez-vous4 » ; vous craignez la multiplication des chaînes de votre dieu. Or, l'Eglise catholique m'enseigne que l'âme et le corps sont deux substances bonnes en elles-mêmes, quoique l'une soit appelée à commander et l'autre à obéir; que dès lors les biens de l'âme et du corps n'ont d'autre principe que le bien suprême, d'où découlent tous les biens, grands ou petits, célestes ou terrestres, spirituels ou corporels, temporels ou éternels. Elle m'enseigne enfin que parmi ces biens les uns ne méritent pas le mépris, parce que les autres sont plus dignes d'éloge.