II.
Notre adversaire ne sait donc pas qu'en dehors de leurs Ecritures canoniques et prophétiques, les Juifs ont leurs traditions non écrites, consignées dans leur propre mémoire, et qui se transmettent par la parole de générations en générations? Ces traditions osent enseigner que Dieu créa deux femmes au premier homme ; et sur cette absurdité ils bâtissent, comme dit l'Apôtre, des généalogies à l'infini, dont l'unique conséquence est de soulever une multitude de questions aussi vaines que ridicules. Mais admettons que son ignorance soit inspirée par la plus entière bonne foi, peut-il rester sourd aux enseignements de l'Evangile, jusqu'à ne pas remarquer que Jésus-Christ reproche aux Juifs, dans les termes les plus amers, de pousser l'impiété jusqu'à déclarer aux enfants qu'ils ne sont pas obligés d'honorer leurs parents? A cette occasion le Sauveur rappelle et confirme le précepte formulé dans l'ancienne loi. Ce que Jésus-Christ leur reproche avant tout, c'est de mépriser le précepte divin et de lui substituer leurs traditions personnelles. Les Pharisiens et les Scribes venaient de lui adresser cette question : « Pourquoi vos disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens, et ne lavent-ils pas leurs mains avant de prendre leur nourriture? » Jésus leur répondit : « Isaie a parfaitement prophétisé votre hypocrisie quand il a écrit: Ce peuple m'honore des lèvres, mais son coeur est loin de moi. C'est en vain qu'ils m'honorent, ceux qui enseignent la doctrine et les préceptes des hommes. En effet, vous quittez le précepte de Dieu pour embrasser la tradition des hommes, comme de purifier les vases et les coupes et autres choses semblables ». Et il leur disait : « N'êtes-vous donc pas des gens bien religieux d'anéantir le commandement de Dieu pour garder votre tradition ? Car Moïse a dit : Honorez votre père et votre mère; et: Que celui qui dira des paroles injurieuses à son père ou à sa mère soit puni de mort. Vous, au contraire, vous dites: si un homme dit à son père ou à sa mère: Corban (c'est-à-dire l'offrande) que je ferai, vous profitera, quelle qu'elle soit, en ce cas vous ne lui « permettez plus de rien faire pour assister son père ou sa mère. Et ainsi vous rendez inutile le commandement de Dieu par votre tradition que vous-mêmes avez établie; et vous faites encore beaucoup d'autres choses semblables1 ». Dans ces paroles le Sauveur prouve deux choses: d'abord que Dieu est l'auteur véritable de cette loi ancienne que notre adversaire croit digne de tous les blasphèmes; en second lieu, que les Juifs avaient des traditions particulières et opposées à la doctrine des livres canoniques; ce sont ces traditions que l'Apôtre appelle des fables vieillies et profanes, des généalogies interminables. Si un hérétique ne trouve pas ces vérités dans les paroles de Jésus-Christ, le lecteur catholique les y perçoit d'une manière évidente. De plus, si je voulais citer tous les passages dans lesquels le Sauveur et ses Apôtres empruntent les paroles de la loi et des Prophètes, et que notre adversaire regarde comme autant de fables vieillies, je ne pourrais pas y suffire. Du reste, tout homme sensé saura se contenter de ce qui précède.
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Marc, VII, 1-13. ↩