Übersetzung
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De la trinité
CHAPITRE. X.
DANS QUEL SENS EST-IL DIT QUE LE FILS LIVRERA LA SOUVERAINETÉ AU PÈRE.
- Lors donc que Notre-Seigneur Jésus-Christ remettra son royaume à Dieu le Père, il le remettra également au Fils et au Saint-Esprit : et c’est alors qu’il introduira les élus dans cette contemplation de Dieu, qui est le terme de toutes leurs bonnes oeuvres, et qui sera pour eux un repos éternel et une joie immortelle. Telle est la promesse que renferment ces paroles du Sauveur: « Je vous verrai de « nouveau, et votre coeur se réjouira, et nul ne vous ravira votre joie ( Id., XVI, 22 ) ». Marie, assise aux pieds de Jésus et écoutant sa parole, nous représente bien ce bonheur du ciel. Car, libre de toute action extérieure, et plongée dans la jouissance de la vérité suprême, autant du moins qu’elle nous est donnée pendant cette vie, elle figurait excellemment l’état immuable des élus. Marthe, au contraire, s’employait à des occupations bonnes et utiles, mais passagères, et auxquelles devait succéder un doux loisir, tandis que Marie se reposait en la parole du divin Sauveur. Aussi quand Marthe se plaignit de ce que sa soeur ne lui aidait pas, Jésus-Christ lui répondit-il : « Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera pas ôtée (Luc., X, 42 ) ». Il ne dit point que la part de Marthe fût mauvaise, mais il dit que celle de Marie était meilleure, et il ajouta qu’elle ne lui serait pas ôtée. La première, qui a pour objet le soulagement de notre indigence, cessera avec cette indigence, et un éternel repos sera la récompense de son généreux dévouement. Mais la seconde subsistera toujours, parce que dans la Vision béatifique, Dieu sera toutes choses en tous ses élus, en sorte qu’ils n’éprouveront aucun autre désir, et qu’en sa lumière ils jouiront d’un parfait bonheur.
C’est le bonheur que demandait le psalmiste, par ces gémissements ineffables que l’Esprit-Saint formait en lui, quand il s’écriait: «J’ai demandé une seule grâce au Seigneur, et je la lui demanderai encore, celle d’habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour y contempler la beauté du Seigneur ( Luc., X, 42 ) ». Nous verrons donc Dieu le Père, Dieu le Fils, et Dieu l’Esprit-Saint, lorsque Jésus-Christ qui est établi médiateur entre Dieu et les hommes, aura remis son royaume à Dieu le Père. Alors le Verbe éternel qui est tout ensemble Fils de Dieu et Fils de l’homme, n’intercédera plus pour nous, comme notre médiateur et notre pontife. Mais lui-même en tant que pontife, et ayant pris la forme d’esclave, sera assujetti à Celui qui lui a soumis toutes choses, et auquel il a assujetti toutes choses; bien plus, en tant que Dieu il verra que lui sont assujettis, ainsi qu’à son Père, tous ceux avec qui il est lui-même assujetti en qualité de pontife. C’est ainsi que le Fils étant Dieu et homme tout ensemble, la nature humaine diffère en lui de la nature divine qu’il tient du Père. Et de même, quoique mon corps et mon âme soient d’une nature différente, ils ont ensemble des rapports intimes que l’âme d’un autre homme ne saurait avoir avec la mienne.
- Concluons donc que Jésus-Christ remettant son royaume à Dieu le Père, fera entrer dans la vision béatifique ceux qui sur la terre croient en lui, et dont il est le pontife et le médiateur. Ici-bas nous appelons cette vision de nos soupirs et de nos gémissements; mais quand le travail et la douleur auront cessé, (358) Jésus-Christ n’intercédera plus pour nous, parce qu’il aura remis son royaume à Dieu le Père. C’est ce qu’il prêchait à ses Apôtres, lorsqu’il leur disait: « Je vous ai dit ces choses en figures; l’heure vient que je ne vous parlerai plus en figures, mais je vous parlerai ouvertement de mon Père ». Et en effet il n’y aura
plus ni voiles, ni figures dès lors que nous verrons Dieu face à face. Tel est le sens de cette
parole : « Je vous parlerai ouvertement de mon Père » ; c’est-à-dire, je vous découvrirai
manifestement mon Père. Toutefois il dit: « Je vous parlerai de mon Père » parce qu’il
est son Verbe; et puis il ajoute: « En ce jour vous demanderez en mon nom, et je ne vous dis point que je prierai mon Père pour vous; car mon Père lui-même vous aime, parce que vous m’avez aimé, et que vous avez cru que je suis sorti de Dieu. Je suis sorti de mon Père et je suis venu dans le monde; je quitte de nouveau le monde, et je vais à mon Père ( Jean, XVI, 25, 28 ) ». Mais que signifie cette parole: « Je suis sorti de mon Père ? » C’est comme si Jésus-Christ disait : Restant toujours en tant que Dieu égal à son Père, j’ai paru inférieur à lui, en me faisant homme. Et encore: « Je suis venu dans le monde »; c’est-à-dire, j’ai montré aux regards des pécheurs qui aiment le monde, l’humanité que j’avais prise, en m’abaissant jusqu’à revêtir la forme d’esclave. Mais voilà que « je quitte de nouveau le monde », c’est-à-dire, que je soustrais mon humanité sainte aux yeux des amateurs du monde. Et « je vais à mon Père »; c’est-à-dire que j’instruis mes disciples à me considérer comme égal à mon Père.
C’est cette ferme et sincère croyance qui nous permettra de passer des ombres de la foi à la vue claire et nette des mystères divins, et qui nous introduira dans la vision intuitive, lorsque le Fils remettra le royaume à son Père. Et en effet les élus que Jésus-Christ a rachetés de son sang, et pour lesquels il intercède maintenant, forment son royaume; mais alors il ne priera plus son Père en leur faveur parce qu’il les aura réunis à lui dans le ciel, où il est égal à son Père. « Car mon Père, dit-il, vous aime ». Jésus-Christ prie son Père, en tant qu’il lui est inférieur, comme homme, et il exauce lui-même sa prière conjointement avec le Père, en tant qu’il lui est égal comme Dieu. Il ne se sépare donc point du Père quand il dit : « Mon Père vous aime » : mais ici il rappelle ce que déjà j’ai observé, et fait remarquer que quand on affirme une chose d’une seule des personnes de la sainte Trinité, les deux autres y sont comprises. Ainsi cette parole, « le Père vous aime » doit également s’entendre du Fils et du Saint-Esprit. Mais est-ce que présentement le Père ne nous aime pas? Eh quoi ! Il ne nous aimerait pas celui qui « n’a pas épargné son propre Fils, et qui l’a livré à la mort pour nous tous ( Rom., VIII, 32 ) ?» Toutefois Dieu nous aime moins tels que nous sommes que tels que nous serons un jour, car ceux qu’il aime présentement, il les conserve afin qu’ils jouissent d’un bonheur éternel. C’est ce qui arrivera, lorsque le Fils aura remis la royaume à son Père; et alors celui qui maintenant intercède pour nous, cessera de prier son Père, parce que le Père lui-même nous aime. Mais comment méritons-nous cet amour, si ce n’est par la foi qui nous fait croire à une promesse dont nous ne voyons pas encore l’accomplissement? Oui, la foi qui nous conduira à la vision béatifique, fait que dès à présent le Seigneur nous aime tels qu’il aime que nous soyons un jour. Car il ne saurait aimer les pécheurs tant qu’ils restent pécheurs, et c’est pourquoi il les presse de ne pas demeurer éternellement dans ce triste état.
Edition
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De Trinitate
X.
[X 20] Tradet itaque regnum deo et patri dominus noster Iesus Christus, non se inde separato nec spiritu sancto, quoniam perducet credentes ad contemplationem dei ubi est finis omnium bonarum actionum et requies sempiterna et gaudium quod non auferetur a nobis. Hoc enim significat in eo quod ait: Iterum videbo vos, et gaudebit cor vestrum, et gaudium vestrum nemo auferet a vobis. Huius gaudii similitudinem praesignabat Maria sedens ad pedes domini et intenta in verbum eius, quieta scilicet ab omni actione et intenta in veritatem secundum quendam modum cuius capax est ista vita, quo tamen praefiguraret illud quod futurum est in aeternum. Martha quippe sorore sua in necessitatis actione conversante quamvis bona et utili, tamen cum requies successerit transitura, ipsa requiescebat in verbo domini. Et ideo dominus conquerenti Marthae quod eam soror non adiuvaret respondit: Maria optimam partem elegit quae non auferetur ab ea. Non partem malam dixit quod agebat Martha, sed istam optimam quae non auferetur. Illa enim quae in ministerio indigentiae est, cum indigentia ipsa transierit, auferetur. Boni quippe operis transituri merces est requies permansura. In illa igitur contemplatione deus erit omnia in omnibus quia nihil ab illo aliud requiretur, sed solo ipso inlustrari perfruique sufficiet.
Ideoque ille in quo spiritus interpellat gemitibus inenarrabilibus: Unam, inquit, petii a domino, hanc requiram, ut inhabitem in domo domini per omnes dies vitae meae, ut contempler delectationem domini. Contemplabimur enim deum patrem et filium et spiritum sanctum cum mediator dei et hominum homo Christus Iesus tradiderit regnum deo et patri ut iam non interpellet pro nobis mediator et sacerdos noster, filius dei et filius hominis; sed et ipse in quantum sacerdos est, assumpta propter nos forma servi, subiectus sit ei qui illi subiecit omnia et cui subiecit omnia; ut in quantum deus est cum illo nos subiectos habeat, in quantum sacerdos nobiscum illi subiectus sit. Quapropter cum filius sit et deus et homo, alia substantia deus, alia homo, homo potius in filio quam filius in patre; sicut caro animae meae alia substantia est ad animam meam quamvis in uno homine quam anima alterius hominis ad animam meam.
[21] Cum ergo tradiderit regnum deo et patri, id est cum credentes et viventes ex fide pro quibus nunc mediator interpellat perduxerit ad contemplationem cui percipiendae suspiramus et gemimus, et transierit labor et gemitus, iam non interpellabit pro nobis tradito regno deo et patri. Hoc significans ait: Haec vobis locutus sum in similitudinibus; veniet hora quando iam non in similitudinibus loquar vobis, sed manifeste de patre nuntiabo vobis; id est iam non erunt similitudines cum visio fuerit facie ad faciem. Hoc est enim quod ait, sed manifeste de patre nuntiabo vobis, ac si diceret, ‚manifeste patrem ostendam vobis.‘ Nuntiabo quippe ait quia verbum eius est. Sequitur enim et dicit: Illa die in nomine meo petetis, et non dico vobis quia ego rogabo patrem; ipse enim pater amat vos quia vos me amatis et credidistis quia ego a deo exivi. Exivi a patre et veni in hunc mundum: iterum relinquo mundum et vado ad patrem.
Quid est, a patre exii, nisi ‚non in ea forma qua aequalis sum patri, sed aliter, id est in assumpta creatura minor apparui‘? Et quid est, veni in hunc mundum, nisi ‚formam servi quam me exinaniens accepi etiam peccatorum qui mundum istum diligunt oculis demonstravi‘? Et quid est, iterum relinquo mundum, nisi ‚ab aspectu dilectorum mundi aufero quod viderunt‘? Et quid est, vado ad patrem, nisi ‚doceo me sic intellegendum a fidelibus meis quomodo aequalis sum patri‘? Hoc qui credunt digni habebuntur perduci a fide ad speciem, id est ad ipsam visionem, quo perducens dictus est tradere regnum deo et patri. Fideles quippe eius quos redemit sanguine suo dicti sunt regnum eius pro quibus nunc interpellat; tunc autem illic eos sibi faciens inhaerere ubi aequalis est patri, non iam rogabit patrem pro eis. Ipse enim, inquit, pater amat vos. Ex hoc enim rogat quo minor est patre; quo vero aequalis exaudit cum patre. Unde se ab eo quod dixit: Ipse enim pater amat vos, utique ipse non separat; sed secundum ea facit intellegi quae supra commemoravi satisque insinuavi, plerumque ita nominari unamquamque in trinitate personam ut et aliae illic intellegantur. Sic itaque dictum est: Ipse enim pater amat vos, ut consequenter intellegatur et filius et spiritus sanctus; non quia modo nos non amat qui proprio filio non pepercit sed pro nobis omnibus tradidit eum; sed tales nos amat deus quales futuri sumus, non quales sumus. Quales enim amat, tales in aeternum conservat, quod tunc erit cum tradiderit regnum deo et patri qui nunc interpellat pro nobis, ut iam non roget patrem quia ipse pater amat nos. Quo autem merito nisi fidei qua credimus antequam illud quod promittitur videamus? Per hanc enim pervenimus ad speciem ut tales amet quales amat ut simus, non quales odit quia sumus, et hortatur ac praestat ne tales esse semper velimus.