Übersetzung
ausblenden
De la trinité
CHAPITRE X.
IL EST TROIS CHOSES QUE L’ÂME SAIT D’ELLE-MÊME AVEC CERTITUDE : QU’ELLE COMPREND, QU’ELLE EXISTE ET QU’ELLE VIT.
- Qu’elle n’ajoute donc rien à ce qu’elle sait qu’elle est, quand on lui ordonne de se connaître. Elle a en effet la certitude que c’est à elle qu’on parle: à elle qui est, qui vit et qui comprend. Or, le cadavre est aussi, et l’animal vit; mais elle comprend qu’elle n’est ni cadavre, ni animal. Elle sait donc qu’elle est et qu’elle vit, comme est et vit une intelligence. Quand par exemple l’âme se croit air, elle pense que l’air a l’intelligence, mais elle sait qu’elle comprend. Or, elle pense seulement qu’elle est air, mais elle ne le sait pas. Qu’elle écarte donc ce qu’elle pense, qu’elle voie ce qu’elle sait; qu’il ne lui reste que ce qui a été admis sans hésitation, par ceux mêmes qui ont cru que l’âme était telle ou telle espèce de corps. Car toute âme ne croit pas être air; mais, comme nous l’avons dit, les unes croient être feu, les autres cervelle, celles-ci telle espèce de corps, celles-là telle autre toutes cependant comprennent qu’elles ont l’intelligence, l’être et la vie. Seulement elles rattachent l’intelligence à ce qu’elles comprennent, et rapportent à elles-mêmes l’existence et la vie. Et aucune ne doute qu’il est impossible de comprendre sans vivre, et de vivre sans exister, par conséquent, que ce qui comprend est et vit, non comme le cadavre qui ne vit pas, non comme l’être animé qui vit et ne comprend pas, mais d’une manière propre et bien supérieure.
De même ces âmes savent qu’elles veulent, et, en même temps, elles savent que personne ne peut vouloir, s’il n’est et ne vit; et elles rapportent leur volonté à quelque chose qu’elles veulent de cette volonté même. Elles savent aussi qu’elles se souviennent, et, en même temps, que personne ne peut se souvenir, s’il n’est et ne vit; mais nous rapportons la mémoire à quelque chose dont nous nous souvenons par cette mémoire même. De ces trois choses, deux, la mémoire et l’intelligence, renferment la connaissance et la science d’un grand nombre d’objets; et la volonté est le moyen par lequel nous en jouissons ou nous en usons. En effet, nous jouissons des choses connues, dans lesquelles la volonté cherche pour elle-même son repos et son plaisir; et nous usons de celles qui nous servent de moyen pour obtenir d’autres satisfactions. Et, pour l’homme, le vice et le péché ne sont pas autre chose qu’un mauvais usage et une mauvaise jouissance. Mais ce n’est point là notre sujet.
-
Puis donc qu’il s’agit de la nature de l’âme, écartons de notre pensée toutes les connaissances qui nous viennent du dehors par l’entremise des sens corporels, et examinons plus attentivement ce que nous avons dit, que toutes les âmes se connaissent elles-mêmes et avec certitude. En effet, est-ce l’air qui a la faculté de vivre, de se souvenir, de comprendre, de vouloir, de penser, de savoir? ou est-ce le feu, la cervelle, le sang, les atomes, ou je ne sais quel cinquième élément ajouté aux quatre autres, ou l’ensemble et l’organisation de notre corps ? c’est une question sur laquelle les opinions sont partagées, les uns adoptant celle-ci et les autres celle-là. Et cependant personne ne doute qu’il ait la faculté de vivre, de se souvenir, de comprendre, de vouloir, de penser, de savoir et de juger. Bien plus, s’il doute, il vit; s’il doute de l’origine de son doute, il se souvient; s’il doute, il comprend qu’il doute : s’il doute, il veut être certain; s’il doute, il pense; s’il doute, il sait qu’il ne sait pas; s’il doute, il juge qu’il ne doit pas croire au hasard. Quelle que soit donc d’ailleurs la matière de son doute, voilà des choses dont il ne doit pas douter; car, sans elles, il ne pourrait douter de rien.
-
Mais ces choses, ceux qui pensent que l’âme est un corps, ou l’arrangement et l’organisation du corps, veulent les voir dans le sujet, en sorte que la substance de l’âme serait, selon eux, de l’air, du feu, ou un corps quelconque, qu’ils prennent pour l’âme, tandis que l’intelligence ne serait dans ce corps que comme une qualité : sujet d’un côté, accident du sujet de l’autre ; sujet, l’âme qu’ils croient matérielle; modification du sujet, l’intelligence et toutes les facultés énumérées plus haut et dont nous avons la certitude. De cette opinion se rapproche beaucoup celle qui prétend que l’âme n’est point un corps, mais l’ensemble ou l’organisation du corps. La différence qu’il y a, c’est que ceux-là disent que l’âme est une substance; tandis que ceux-ci prétendent que l’âme est dans le sujet, c’est-à-dire dans le corps dont elle est l’ensemble ou l’organisation. Et l’intelligence, où la (481) placeront-ils les uns et les autres, sinon dans le même sujet, le corps?
-
Mais ni les uns ni les autres ne s’aperçoivent que l’âme se connaît dès lors qu’elle se cherche, comme nous l’avons montré plus haut. Or on ne peut régulièrement dire qu’une chose est connue, si on ignore quelle en est la substance. Donc, dès que l’âme se connaît, elle connaît sa substance; et si elle est certaine de son existence, elle l’est aussi de sa substance. Or, elle est certaine d’elle-même, comme nous l’avons prouvé plus haut; et elle n’est nullement certaine qu’elle soit air, feu, ou corps ou partie d’un corps. Elle n’est donc rien de cela; et l’ordre de se connaître elle-même, tend à lui donner la certitude qu’elle n’est aucune des choses dont elle est incertaine, et qu’elle ne doit tenir pour certain que d’être ce qu’elle sait certainement qu’elle est. Elle pense au feu, par exemple, à l’air, à un corps quelconque; eh bien! il ne serait pas possible qu’elle pensât à ce qu’elle est elle-même, comme elle pense à ce qu’elle n’est pas. En effet, c’est à l’aide de l’imagination qu’elle pense à toutes ces choses, au feu, à l’air, à tel et tel corps, à telle partie de corps, à la construction et à l’organisation du corps; et on ne dit pas qu’elle soit toutes ces choses, mais l’une d’elles seulement. Or, si elle était réellement l’une d’elles, elle y penserait autrement qu’elle ne pense à tout le reste, c’est-à-dire non plus à l’aide de l’imagination — comme cela arrive pour les corps absents, avec lesquels les sens ont été en contact, soit qu’il s’agisse d’eux ou de quelques similaires, — mais au moyen d’une présence intime, non imaginaire, mais réelle — car rien n’est plus présent à elle-même qu’elle-même — comme elle pense qu’elle vit, qu’elle se souvient, qu’elle comprend et qu’elle veut. Car elle sait que ces facultés sont en elle : elle ne se les imagine pas comme des choses extérieures et sensibles,, comme des objets matériels et palpables. Si elle se dépouille de ces images étrangères et ne se figure pas qu’elle soit quelque chose de ce genre, tout ce qui lui restera d’elle-même, ce sera elle-même et rien qu’elle-même.
Edition
ausblenden
De Trinitate
X.
[X] Cum ergo verbi gratia mens aerem se putat, aerem intellegere putat, se tamen intellegere scit; aerem autem se esse non scit sed putat. Secernat quod se putat, cernat quod scit; hoc ei remaneat unde ne illi quidem dubitaverunt qui aliud atque aliud corpus esse mentem putaverunt. Neque enim omnis mens aerem se esse existimat, sed aliae ignem, aliae cerebrum, aliaeque aliud corpus et aliud aliae sicut supra commemoravi; omnes tamen se intellegere noverunt et esse et vivere, sed intellegere ad quod intellegunt referunt, esse autem et vivere ad se ipsas. Et nulli est dubium nec quemquam intellegere qui non vivat, nec quemquam vivere qui non sit. Ergo consequenter et esse et vivere id quod intellegit, non sicuti est cadaver quod non vivit, nec sicut vivit anima quae non intellegit, sed proprio quodam eodemque praestantiore modo. Item velle se sciunt neque hoc posse quemquam qui non sit et qui non vivat pariter sciunt, itemque ipsam voluntatem referunt ad aliquid quod ea voluntate volunt. Meminisse etiam se sciunt simulque sciunt quod nemo meminisset nisi esset ac viveret, sed et ipsam memoriam referimus ad aliquid quod ea meminimus. Duobus igitur horum trium, memoria et intellegentia, multarum rerum notitia atque scientia continetur; voluntas autem adest per quam fruamur eis vel utamur. Fruimur enim cognitis in quibus voluntas ipsis propter se ipsa delectata conquiescit; utimur vero eis quae ad aliud referimus quo fruendum est. Nec est alia vita hominum vitiosa atque culpabilis quam male utens et male fruens, de qua re non est nunc disserendi locus.
[14] Sed quoniam de natura mentis agitur, removeamus a consideratione nostra omnes notitias quae capiuntur extrinsecus per sensus corporis, et ea quae posuimus omnes mentes de se ipsis nosse certasque esse diligentius attendamus. Utrum enim aeris sit vis vivendi, reminiscendi, intellegendi, volendi, cogitandi, sciendi, iudicandi; an ignis, an cerebri, an sanguinis, an atomorum, an praeter usitata quattuor elementa quinti nescio cuius corporis, an ipsius carnis nostrae compago vel temperamentum haec efficere valeat dubitaverunt homines, et alius hoc, alius illud affirmare conatus est. Vivere se tamen et meminisse et intellegere et velle et cogitare et scire et iudicare quis dubitet? Quoandoquidem etiam si dubitat, vivit; si dubitat, unde dubitet meminit; si dubitat, dubitare se intellegit; si dubitat, certus esse vult; si dubitat, cogitat; si dubitat, scit se nescire; si dubitat, iudicat non se temere consentire oportere. Quisquis igitur alicunde dubitat de his omnibus dubitare non debet quae si non essent, de ulla re dubitare non posset.
[15] Haec omnia qui vel corpus vel compositionem seu temperationem corporis esse mentem putant in subiecto esse volunt videri ut substantia sit aer vel ignis sive aliud aliquod corpus quod mentem putant, intellegentia vero ita insit huic corpori sicut qualitas eius ut illud subiectum sit, haec in subiecto, subiectum scilicet mens quam corpus esse arbitrantur, in subiecto autem intellegentia sive quid aliud eorum quae certa nobis esse commemoravimus. Iuxta opinantur etiam illi qui mentem ipsam negant esse corpus sed compaginem aut temperationem corporis. Hoc enim interest quod illi mentem ipsam dicunt esse substantiam in quo subiecto sit intellegentia; isti autem ipsam mentem in subiecto esse dicunt, corpore scilicet cuius compositio vel temperatio est. Unde consequenter etiam intellegentiam quid aliud quam in eodem subiecto corpore existimant?
[16] Qui omnes non advertunt mentem nosse se etiam cum quaerit se sicut iam ostendimus. Nullo modo autem recte dicitur sciri aliqua res dum eius ignoratur substantia. Quapropter dum se mens novit substantiam suam novit, et cum de se certa est de substantia sua certa est. Certa est autem de se sicut convincunt ea quae supra dicta sunt. Nec omnino certa est utrum aer an ignis sit an aliquod corpus vel aliquid corporis. Non est igitur aliquid eorum. Totumque illud quod se iubetur ut noverit, ad hoc pertinet ut certa sit non se esse aliquid eorum de quibus incerta est, idque solum esse se certa sit quod solum esse se certa est. Sic enim cogitat ignem ut aerem et quidquid aliud corporis cogitat, neque ullo modo fieri posset ut ita cogitaret id quod ipsa est quemadmodum cogitat id quod ipsa non est. Per phantasiam quippe imaginariam cogitat haec omnia, sive ignem sive aerem sive illud vel illud corpus partemve ullam seu compaginem temperationemque corporis, nec utique ista omnia sed aliquid horum esse dicitur. Si quid autem horum esset, aliter id quam cetera cogitaret, non scilicet per imaginale figmentum sicut cogitantur absentia quae sensu corporis tacta sunt, sive omnino ipsa sive eiusdem generis aliqua, sed quadam interiore non simulata sed vera praesentia (non enim quidquam illi est se ipsa praesentius), sicut cogitat vivere se et meminisse et intellegere et velle se. Novit enim haec in se, nec imaginatur quasi extra se illa sensu tetigerit sicut corporalia quaeque tanguntur. Ex quorum cogitationibus si nihil sibi affingat ut tale aliquid esse se putet, quidquid ei de se remanet hoc solum ipsa est.