Übersetzung
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De la trinité
CHAPITRE XIII.
DANS QUEL SENS LE PÈRE NE DOIT-IL PAS JUGER.
- Si Jésus-Christ n’était tout ensemble Fils de l’homme parce qu’il a pris la forme d’esclave, et Fils de Dieu parce qu’il n’a point dépouillé la nature divine , saint Paul n’eût point dit des princes de ce monde que « s’ils l’avaient connu, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur de la gloire ( I Cor., II, 8 ) ». C’est en effet comme homme que Jésus-Christ a été crucifié, et néanmoins les juifs ont crucifié le Seigneur de la gloire. Car le mystère de l’Incarnation consiste en ce que Jésus-Christ est tout ensemble Dieu-Homme, et Homme-Dieu. Mais comment, et en quoi est-il Dieu, et est-il homme? Un lecteur prudent, pieux et attentif comprendra aisément avec la grâce de Dieu. Pour moi, j’ai déjà dit que comme Dieu il glorifie ses élus, parce que comme Dieu il est le Seigneur de la gloire. Toutefois il est vrai de dire que les juifs ont crucifié le Seigneur de la gloire, puisqu’on peut dire que Dieu même a été crucifié non en la vertu de la divinité , mais en l’infirmité de la chair ( II Cor., XIII, 4 ). C’est aussi à Jésus-Christ comme Dieu qu’appartient le jugement, parce qu’il juge par l’autorité de sa divinité, et non par la puissance de son humanité. Néanmoins il doit comme homme juger tous les hommes, de même qu’en lui le Seigneur de la gloire a été crucifié. D’ailleurs il nous l’affirme ouvertement par ces paroles : « Quand le Fils de l’homme, dit-il, viendra dans sa majesté, et tous les anges avec lui, toutes les nations seront assemblées devant lui ( Matt., XXV, 31, 32 ) ». La suite du chapitre qui traite du jugement dernier confirme pleinement cette vérité.
Les Juifs qui auront persévéré en leur malice, recevront en ce jugement la punition de leur crime, et « ils tourneront leurs regards vers Celui qu’ils auront percé ( Zach., XII, 10 ) ». Et en effet, puisque les bons et les méchants doivent également voir Jésus-Christ comme Juge des vivants et des morts, il est certain que les pécheurs ne le verront qu’en son humanité. Mais alors ‘cette humanité sera glorieuse, et non humiliée comme au jour de sa passion. Au reste, les pécheurs ne verront point en Jésus-Christ la divinité selon laquelle il est égal à son Père. Car ils n’ont pas le coeur pur, et Jésus-Christ a dit: « Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu’ils verront Dieu ( Matt., V, 8 ) ». Or, voir Dieu, c’est « le voir face à face », comme dit l’Apôtre ( I Cor., XIII, 12 ). Et cette vision qui est la souveraine récompense des élus, n’aura lieu qu’au jour où Jésus-Christ remettra son royaume à Dieu le (363) Père. C’est alors que toute créature étant soumise à Dieu, l’humanité sainte que le Fils de Dieu a prise en se faisant homme, lui sera elle-même soumise. Et en effet, comme homme « le Fils sera lui-même assujetti à celui qui lui aura assujetti toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous ( I cor., XV, 28 ) ». Mais si le Fils de Dieu se montrait comme juge dans la forme divine qui le rend égal à son Père, et s’il se montrait ainsi aux pécheurs, il n’aurait plus de raison de promettre à son fidèle et bien-aimé disciple, comme bienfait inestimable, « qu’il l’aimera, et qu’il se montrera à lui ( Jean, XIV, 21 ) ». Concluons qu’au dernier jour le Fils de l’homme jugera tous les hommes en vertu de l’autorité qui lui appartient comme Dieu, et non par la puissance de son humanité. Et toutefois, il est vrai de dire que le Fils de Dieu jugera aussi tous les hommes : seulement il n’apparaîtra point en la nature divine qui le rend égal au Père, mais en la nature humaine qu’il a prise en devenant le Fils de l’homme.
- Il est donc permis de dire et que le Fils de l’homme jugera, et que le Fils de l’homme ne jugera pas. Il jugera, puisqu’il a dit lui-même : « Lorsque le Fils de l’homme viendra, toutes les nations seront assemblées devant lui ( Matt., XXV,32 ) » ; et il ne jugera pas, afin que cette parole soit accomplie: « Je ne jugerai point»; et cette autre: « Je ne cherche point ma gloire; il est quelqu’un qui la cherche et qui juge ( Jean, XII, 47, VIII, 50 )». Bien plus, parce qu’au jour du jugement général, Jésus-Christ apparaîtra comme homme et non comme Dieu, il est vrai d’affirmer que le Père ne jugera pas; et c’est en ce sens que Jésus-Christ a dit: «le Père ne juge personne, mais il a donné tout jugement au Fils ( Id., V, 22 )».
Quant à cette autre parole que j’ai déjà citée : « Le Père a donné au Fils d’avoir la vie en soi ( Id., V, 26)», elle se rapporte à la divinité de Jésus-Christ et à sa génération éternelle. On ne pourrait donc l’entendre de son humanité dont l’Apôtre a dit « que Dieu l’a élevée, et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom ». Car évidemment l’Apôtre désigne ici Jésus-Christ comme Fils de l’homme, puisque c’est seulement en cette qualité que le Fils de Dieu est ressuscité d’entre les morts. Egal comme Dieu à son Père, il a daigné s’abaisser jusqu’à prendre la forme d’esclave, et c’est en cette ferme qu’il agit, qu’il souffre et qu’il reçoit la gloire. Pour s’en convaincre, il suffit de lire ce passage de l’épître aux Philippiens: « Le Christ s’est humilié, se rendant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom; afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse dans le ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de son Père ( Philipp., II, 6, 11 ) ». Ce témoignage de l’Apôtre se rapporte à Jésus-Christ comme homme, de même que cette parole : « Le Père a donné tout jugement au Fils »; et l’on voit assez qu’on ne saurait l’interpréter dans le même sens que celle-ci : « Le Père a donné au Fils d’avoir la vie en soi » : autrement il serait inexact de dire « que le Père ne juge personne». Car en tant que le Père engendre un Fils qui lui est égal, il juge conjointement avec lui. Il faut donc affirmer qu’au jour du jugement général Jésus-Christ apparaîtra en son humanité, et non en sa divinité. Ce n’est point que celui qui a donné tout jugement au Fils, ne doive aussi juger avec lui, puisque le Sauveur a dit «Il en est un qui cherche ma gloire et qui juge »; mais quand il a ajouté « que le Père ne juge personne, et qu’il a donné tout jugement au Fils », c’est comme s’il eût dit que dans ce jugement personne ne verra le Père, et que tous verront le Fils. En effet, parce que celui-ci est devenu Fils de l’homme, les pécheurs le verront, et ils tourneront leurs regards vers celui qu’ils auront percé.
- Mais peut-être m’accuserez-vous d’émettre ici une pure conjecture plutôt qu’une proposition vraie et évidente. Eh bien ! je vais m’appuyer sur le témoignage certain et évident de Jésus-Christ lui-même. Pour vous convaincre qu’en disant « que le Père ne juge personne, et qu’il a donné tout jugement au Fils », il a voulu expressément marquer que comme juge il apparaîtra en la forme de Fils de l’homme, forme qui n’appartient pas au Père, mais au Fils; forme en laquelle il n’est pas égal, mais inférieur au Père, mais qui lui permettra d’être vu des bons et des méchants, il suffit de lire le passage suivant : « En vérité je vous le dis, celui qui écoute ma (364) parole, et croit à celui qui m’a envoyé, a la vie éternelle et ne sera point condamné, mais il passera de la mort à la vie ». Or, cette vie éternelle dont parle ici Jésus-Christ ne peut être que la vision béatifique dont les pécheurs sont exclus. « En vérité, en vérité, continue-t-il, je vous dis que l’heure vient, et elle est déjà venue, où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue, vivront ( Jean, V, 24, 25 ) ». Mais il n’appartient qu’aux justes d’entendre cette voix, c’est-à-dire de comprendre que par le mystère de l’incarnation le Fils de Dieu, ayant pris la forme d’esclave, est devenu ainsi inférieur à son Père, et néanmoins de croire fermement que comme Dieu, il est égal au Père. Au reste, c’est ce que Jésus-Christ lui-même nous propose de croire, quand il ajoute : «Comme le Père a la vie en soi, ainsi il a donné au Fils d’avoir en soi la vie». Puis il annonce qu’au jour du jugement général, il se manifestera aux bons et aux méchants dans tout l’éclat de sa gloire. Car « le Père, dit-il, a donné au Fils le pouvoir de juger, parce qu’il est le Fils de l’homme ( Id., V, 26, 27 ) ».
Il me semble que cette démonstration est évidente. Car Jésus-Christ étant comme Fils de Dieu égal à son Père, n’a point reçu en cette qualité le pouvoir de juger, puisqu’il le possède intrinsèquement avec le Père. Mais il l’a reçu comme homme, et c’est en qualité de Fils de l’homme qu’il l’exercera, et qu’il sera vu des bons et des méchants. Et en effet, les méchants pourront bien voir la sainte humanité de Jésus-Christ, mais la vue de sa divinité sera le privilège des bons qui auront le coeur pur. Et voilà pourquoi le Sauveur leur promet qu’il récompensera leur amour en se manifestant à eux. Aussi ajoute-t-il : « Ne vous en étonnez pas ». Ah! sans doute, nous ne devons nous étonner que de voir des gens qui ne veulent pas comprendre les paroles de Jésus-Christ lorsqu’il dit que son Père lui a donné le pouvoir de juger parce qu’il est Fils de l’homme. Selon eux, il eût dû dire, parce qu’il est le Fils de Dieu. Mais Jésus-Christ étant comme Dieu égal à son Père, ne saurait être vu des méchants en sa divinité, et toutefois il faut que les bons et les méchants comparaissent devant lui, et qu’ils le reconnaissent pour Juge des vivants et des morts. C’est pourquoi il dit: « Ne vous étonnez point; l’heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui auront bien fait en sortiront pour la résurrection à la vie; mais ceux qui auront mal fait, pour la résurrection du jugement ( Jean, V, 28, 29 ) ». Ainsi, il devient nécessaire que Jésus-Christ reçoive comme Fils de l’homme, le pouvoir de juger, afin que tous les hommes puissent le voir en cette forme qui le rend visible à tous, mais aux uns pour la damnation, et aux autres pour la vie éternelle. Qu’est-ce que la vie éternelle, si ce n’est cette vision béatifique dont les pécheurs sont exclus? « Qu’ils vous connaissent, dit le Sauveur, vous le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez envoyé (Id., XVII, 3 )». Mais cette connaissance de Jésus-Christ ne saurait être que celle de sa divinité, en laquelle il se manifestera aux bons, et non la connaissance de son humanité, en laquelle il sera vu même des méchants.
- Selon que Jésus-Christ apparaîtra comme Dieu à ceux qui ont le coeur pur, il est bon, car le Psalmiste s’écrie : « Que le Seigneur est « bon à Israël, à ceux qui ont le coeur pur ( Ps., LXX, 1 )! »Mais selon que les méchants le verront comme juge,. ils ne sauraient le trouver bon, parce que toutes les tribu-s de la terre, loin de se réjoui-r en leurs coeurs, se frapperont la poitrine en le voyant ( Apoc., I, 7). C’est aussi en ce sens que Jésus-Christ, étant appelé bon par un jeune homme qui l’interrogeait sur les moyens d’acquérir la vie éternelle, lui répond-il : « Pourquoi m’appelez-vous bon? Dieu seul est bon ( Matt., XIX, 17 ) ». Sans doute, Jésus-Christ dans un autre endroit reconnaît que l’homme lui-même est bon, car « l’homme bon, dit-il, tire de bonnes choses du bon trésor de son coeur, et du mauvais trésor de son coeur l’homme mauvais tire de mauvaises choses ( Matt., XII, 35 ) ». Mais le jeune homme dont j’ai parlé précédemment, cherchait la vie éternelle. Or, 1a vie éternelle est cette vision intuitive que Dieu n’accorde point aux méchants, et qu’il réserve pour être la joie des bons. De plus, il n’avait pas une idée nette et précise de celui auquel il s’adressait, et il ne voyait en lui que le Fils de l’homme. Aussi Jésus-Christ lui dit-il : « Pourquoi m’appelez-vous bon?» C’est comme s’il lui eût dit : Pourquoi appelez-vous bon l’homme que vous voyez en moi, et pourquoi (365) me qualifiez-vous de bon maître? En tant qu’homme, et tel que vous me voyez, je me manifesterai aux bons et aux méchants dans le jugement général, mais pour les méchants, cette manifestation ne sera qu’un premier supplice. Les bons au contraire seront admis à me voir en cette nature divine, en laquelle je n’ai pas cru que ce fût pour moi une usurpation de m’égaler à Dieu, et que je n’ai point quittée lorsqu’en m’anéantissant moi-même, j’ai pris la forme d’esclave ( Philipp., II, 6, 7 ).
Concluons donc que le Dieu qui ne se manifestera qu’aux justes, et qui les remplira d’une joie que personne ne leur ôtera, est le Dieu unique, Père, Fils et Saint-Esprit. C’est vers cette joie que soupirait le psalmiste quand il s’écriait: « J’ai demandé une grâce au Seigneur, et je la lui demanderai encore, d’habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, pour y contempler la maison du Seigneur ( Ps., XXVI, 4 ) ». Ainsi Dieu seul est excellemment l’être bon, parce que sa vue, loin de causer à l’âme quelque peine, ou quelque douleur, lui est un principe de salut et une source de joie véritable. Dans ce sens, et selon sa divinité, Jésus-Christ pouvait réellement dire : Je suis bon. Mais comme le jeune homme qui l’interrogeait, ne considérait en lui que l’humanité, il lui répondit avec non moins de raison Pourquoi m’appelez-vous bon? car si vous êtes du nombre de ceux dont un prophète a dit « qu’ils regarderont vers Celui qu’ils ont percé ( Zach., XII, 10 ) », la vue de mon humanité ne sera pour vous, comme pour eux, qu’une douleur et un supplice. Cette parole du Sauveur: « Pourquoi m’appelez-vous bon? « Dieu seul est bon » ; et les autres textes que j’ai cités, me semblent prouver que cette vision qui est exclusivement réservée aux élus, et qui fera que l’oeil de l’homme contemplera l’essence divine, n’est pas différente de celle que saint Paul nomme « face à face ( I Cor., XIII, 12 )», et dont l’apôtre saint Jean a dit « qu’elle nous rendra semblables à Dieu, parce que nous le verrons tel qu’il est ( I Jean, III, 2 ) ». C’est de cette vision que parlait le psalmiste quand il s’écriait : « J’ai demandé une grâce au Seigneur, de contempler la beauté du Seigneur ( Ps., XXVI, 7 ) ». Et Jésus-Christ lui-même a dit : « Je l’aimerai, et je « me manifesterai à lui ( Jean, XIV, 21 )». Aussi devons-nous purifier nos coeurs par la foi, car il est dit : « Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu’ils verront Dieu ( Matt., V, 8 ) ». Une lecture assidue de nos Ecritures et surtout le regard de l’amour nous fourniraient encore sur cette vision béatifique mille textes épars çà et là, et non moins concluants; mais j’en ai rapporté assez pour être en droit de conclure que cette vision est le bien suprême de l’homme, et que sa possession doit être le but et le terme de toutes nos bonnes oeuvres.
Quant à cette autre vision qui sera celle de l’humanité sainte de Jésus-Christ, et qui aura lieu, lorsque toutes les nations seront rassemblées devant lui, et que les pécheurs lui-diront: « Seigneur, quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim ou soif?» il est certain qu’elle ne sera ni un bien pour les méchants condamnés aux flammes éternelles, ni le bien suprême pour les élus. Car le Juge souverain les appellera à prendre possession du royaume qui leur a été préparé dès le commencement du monde. « Allez au feu éternel », dira-t-il aux méchants. Et aux bons: « Venez les bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a « été préparé ,( Matt., XXV, 37, 41 )». Et alors, continue l’Evangéliste, « les méchants iront au feu éternel, et les bons à la vie éternelle ». Or, la vie éternelle consiste, selon la parole du Sauveur lui-même, en ce « qu’ils vous connaissent, vous le seul Dieu véritable, et Jésus-Christ que vous avez envoyé », mais Jésus-Christ vu en cette gloire, au sujet de laquelle il disait à son Père: « Glorifiez-moi de la gloire que j’ai eue en vous avant que le monde fût ( Jean, XVII, 3, 5 ) ». Ce sera aussi alors que le Fils remettra le royaume à Dieu, son Père, et que le bon serviteur entrera dans la joie de son Maître. Jésus-Christ cachera donc les élus de Dieu dans le secret de sa face, et il les protégera contre le trouble et l’effroi des hommes, c’est-à-dire des méchants que la sentence du souverain Juge frappera de terreur et de consternation. Mais le juste n’aura rien à craindre parce que caché dans l’intérieur du tabernacle, c’est-à-dire en la foi de l’Eglise catholique, il sera à l’abri de la contradiction des langues, c’est-à-dire des calomnies des hérétiques.
Il est permis d’expliquer autrement ces paroles : « Pourquoi m’appelez-vous bon? et Dieu seul est bon » ; et, on peut le faire en toute sûreté, et de diverses manières, pourvu qu’on ne croie point que le Fils, en tant qu’il (366) est le Verbe par qui tout a été fait, est inférieur au Père en bonté. Ainsi ne vous éloignez point de la doctrine orthodoxe, et plus vous multiplierez les moyens d’échapper aux piéges des hérétiques, plus aussi vous les convaincrez victorieusement de mensonge et d’erreur. Mais poursuivons ce sujet, en le considérant sous un autre aspect. (367)
Edition
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De Trinitate
XIII.
[XIII 28] Nisi tamen idem ipse esset filius hominis propter formam servi quam accepit qui est filius dei propter dei formam in qua est, non diceret apostolus Paulus de principibus huius saeculi: Si enim cognovissent, numquam dominum gloriae crucifixissent. Ex forma enim servi crucifixus est, et tamen dominus gloriae crucifixus est. Talis enim erat illa susceptio quae deum hominem faceret et hominem deum. Quid tamen propter quid et quid secundum quid dicatur, adiuvante domino prudens et diligens et pius lector intellegit. Nam ecce diximus quia secundum id quod deus est glorificat suos, secundum hoc utique quod dominus gloriae est; et tamen dominus gloriae crucifixus est, quia recte dicitur et deus crucifixus, non ex virtute divinitatis sed ex infirmitate carnis; sicut dicimus quia secundum id quod deus est iudicat, hoc est ex potestate divina non ex humana, et tamen ipse homo iudicaturus est sicut dominus gloriae crucifixus est. Ita enim aperte dicit: Cum venerit filius hominis in gloria sua et omnes angeli cum eo, tunc congregabuntur ante eum omnes gentes, et cetera quae de futuro iudicio usque ad ultimam sententiam in eo loco praedicantur. Et Iudaei quippe, qui in malitia perseverantes in illo iudicio puniendi sunt, sicut alibi scriptum est: Videbunt in quem pupugerunt.
Cum enim et boni et mali visuri sint iudicem vivorum et mortuorum, procul dubio eum videre mali non poterunt nisi secundum formam qua filius hominis est, sed tamen in claritate in qua iudicabit, non in humilitate in qua iudicatus est. Ceterum illam dei formam in qua aequalis est patri procul dubio impii non videbunt. Non enim sunt mundicordes: Beati enim mundicordes quoniam ipsi deum videbunt. Et ipsa visio est facie ad faciem, quae summum praemium promittitur iustis; et ipsa fiet cum tradet regnum deo et patri, in quo et suae formae visionem vult intellegi, subiecta deo universa creatura et ipsa in qua filius dei filius hominis factus est, quia secundum hanc et ipse filius tunc subiectus illi erit qui ei subiecit omnia ut sit deus omnia in omnibus. Alioquin si filius dei iudex in forma in qua aequalis est patri etiam impiis cum iudicaturus est apparebit, quid est quod pro magno dilectori suo pollicetur dicens: Et ego diligam eum et ostendam me ipsum illi? Quapropter filius hominis iudicaturus est, nec tamen ex humana potestate sed ex ea qua filius dei est: et rursus filius dei iudicaturus est, nec tamen in ea forma apparens in qua deus est aequalis patri, sed in ea qua filius hominis est.
[29] Itaque utrumque dici potest, et: ‚Filius hominis iudicabit,‘ et: ‚Non filius hominis iudicabit,‘ quia filius hominis iudicabit ut verum sit quod ait: Cum venerit filius hominis, tunc congregabuntur ante eum omnes gentes; et non filius hominis iudicabit ut verum sit quod ait; Ego non iudicabo, et: Ego non quaero gloriam meam; est qui quaerat et iudicet. Nam secundum id quod in iudicio non forma dei sed forma filii hominis apparebit, nec ipse pater iudicabit. Secundum hoc enim dictum est: Pater non iudicat quemquam sed omne iudicium dedit filio. Quod utrum ex illa locutione dictum sit quam supra commemoravimus ubi ait: Sic dedit filio habere vitam in semet ipso, ut significaret quia sic genuit filium, an ex illa qua loquitur apostolus dicens: Propter quod eum suscitavit et donavit ei nomen quod est super omne nomen. - Hoc enim de filio hominis dictum est secundum quem dei filius suscitatus est a mortuis. Ille quippe in forma dei aequalis est patri, ex quo se exinanivit formam servi accipiens; in ipsa forma servi et agit et patitur et accipit, quae consequenter contexit apostolus: Humiliavit se factus oboediens usque ad mortem, mortem autem crucis; propter quod eum exaltavit et donavit ei nomen quod est super omne nomen, ut in nomine Iesu omne genu flectatur caelestium et terrestrium et infernorum, et omnis lingua confiteatur quia dominus Iesus in gloria est dei patris. - Utrum ergo secundum illam an secundum istam locutionem dictum sit: Omne iudicium dedit filio, satis hinc apparet quia si secundum illud diceretur secundum quod dictum est: Dedit filio habere vitam in semet ipso, non utique diceretur: Pater non iudicat quemquam. Secundum hoc enim quod aequalem pater genuit filium, iudicat cum illo. Secundum hoc ergo dictum est quod in iudicio non forma dei sed forma filii hominis apparebit. Non quia non iudicabit qui dedit omne iudicium filio, cum de illo dicat filius: Est qui quaerat et iudicet; sed ita dictum est: Pater non iudicat quemquam sed omne iudicium dedit filio ac si diceretur: ‚Patrem nemo videbit in iudicio vivorum et mortuorum, sed omnes filium,‘ quia et filius hominis est ut possit et ab impiis videri cum et illi videbunt in quem pupugerunt.
[30] Quod ne conicere potius quam aperte demonstrare videamur, proferimus eiusdem domini certam manifestamque sententiam qua ostendamus ipsam fuisse causam ut diceret: Pater non iudicat quemquam sed omne iudicium dedit filio, quia iudex forma filii hominis apparebit, quae forma non est patris, sed filii, nec ea filii in qua aequalis est patri sed in qua minor est patre, ut sit in iudicio conspicuus et bonis et malis. Paulo post enim dicit: Amen dico vobis quia qui verbum meum audit et credit ei qui me misit, habet vitam aeternam, et in iudicium non veniet sed transiet de morte in vitam. Haec vita aeterna est illa visio quae non pertinet ad malos. Deinde sequitur: Amen, amen dico vobis quia veniet hora et nunc est cum mortui audient vocem filii dei, et qui audierint vivent. Et hoc proprium est piorum qui sic audiunt de incarnatione eius ut credant quia filius dei est, id est sic eum propter se factum accipiunt minorem patre in forma servi ut credant quia aequalis est patri in forma dei. Et ideo sequitur et hoc ipsum commendans dicit: Sicut enim habet pater vitam in semet ipso, ita dedit et filio vitam habere in semet ipso. Deinde venit ad visionem suae claritatis in qua venturus est ad iudicium, quae visio communis erit et impiis et iustis. Sequitur enim et dicit: Et potestatem dedit ei et iudicium facere quoniam filius hominis est.
Puto nihil esse manifestius. Nam quia filius dei est et aequalis est patri, non accipit hanc potestatem iudicii faciendi sed habet illam cum patre in occulto; accipit autem illam ut boni et mali eum videant iudicantem quia filius hominis est. Visio quippe filii hominis exhibebitur et malis; nam visio formae dei non nisi mundis corde, quia ipsi deum videbunt; id est solis piis quorum dilectioni hoc ipsum promittit quia ostendet se ipsum illis. Et ideo vide quid sequitur: Nolite mirari hoc, inquit. Quid nos prohibet mirari nisi illud quod revera miratur omnis qui non intellegit ut ideo diceret patrem dedisse ei potestatem et iudicium facere quoniam filius hominis est, cum magis quasi hoc exspectaretur ut diceret, ‚quoniam filius dei est‘? Sed quia filium dei secundum id quod in forma dei aequalis est patri videre iniqui non possunt, oportet autem ut iudicem vivorum et mortuorum cum coram iudicabuntur et iusti videant et iniqui. Nolite, inquit, hoc mirari, quoniam veniet hora in qua omnes qui in monumentis sunt audient vocem eius; et prodient qui bona gesserunt in resurrectionem vitae; qui mala gesserunt in resurrectionem iudicii. Ad hoc ergo oportebat ut ideo acciperet illam potestatem quia filius hominis est ut resurgentes omnes viderent eum in forma in qua videri ab omnibus potest, sed alii ad damnationem, alii ad vitam aeternam. Quae est autem vita aeterna nisi illa visio quae non conceditur impiis? Ut cognoscant te, inquit, unum verum deum et quem misisti Iesum Christum. Quomodo et ipsum Iesum Christum nisi quemadmodum unum verum deum qui ostendet se ipsum illis, non quomodo se ostendet etiam puniendis in forma filii hominis?
[31] Secundum illam visionem bonus est secundum quam visionem deus apparet mundis corde, quoniam: Quam bonus deus Israhel rectis corde! Quando autem iudicem videbunt mali, non eis videbitur bonus quia non ad eum gaudebunt corde, sed tunc se plangent omnes tribus terrae in numero utique malorum omnium et infidelium. Propter hoc etiam illi, qui eum dixerat magistrum bonum quaerens ab eo consilium consequendae vitae aeternae, respondit: Quid me interrogas de bono? Nemo bonus nisi unus deus; cum et hominem alio loco dicat bonum ipse dominus: Bonus homo, inquit, de bono thesauro cordis sui profert bona, et malus homo de malo thesauro cordis sui profert mala. Sed quia ille vitam aeternam quaerebat, vita autem aeterna est in illa contemplatione qua non ad poenam videtur deus sed ad gaudium sempiternum, et non intellegebat cum quo loquebatur quia tantummodo eum filium hominis arbitrabatur: Quid me interrogas, inquit, de bono? Id est: ‚Istam formam quam vides, quid interrogas de bono, et vocas me secundum quod vides magistrum bonum? Haec forma filii hominis est; haec forma accepta est; haec forma apparebit in iudicio non tantum iustis sed et impiis, et huius formae visio non erit in bonum eis qui male agunt. Est autem visio formae meae in qua cum essem non rapinam arbitratus sum esse aequalis deo, sed ut hanc acciperem me ipsum exinanivi.‘ Ille ergo unus deus pater et filius et spiritus sanctus qui non apparebit nisi ab gaudium quod non auferetur a iustis, cui gaudio futuro suspirat qui dicit: Unam petii a domino, hanc requiram, ut inhabitem in domo domini per omnes dies vitae meae, ut contempler delectationem domini; unus ergo deus ipse est solus bonus ad hoc, quia nemo eum videt ad luctum et planctum sed tantum ad salutem et laetitiam veram. ‚Secundum illam formam si me intellegis, bonus sum; si autem secundum hanc solam, quid me interrogas de bono si inter illos eris qui videbunt in quem pupugerunt, et ipsa visio malum eis erit quia poenalis erit?‘
Ex ista sententia dixisse dominum: Quid me interrogas de bono? Nemo bonus nisi unus deus, his documentis quae commemoravi probabile est, quia visio illa dei qua contemplabimur incommutabilem atque humanis oculis invisibilem dei substantiam quae solis sanctis promittitur - quam dicit apostolus Paulus facie ad faciem; et de qua dicit apostolus Iohannes: Similes ei erimus quoniam videbimus eum sicuti est; et de qua dicitur: Unam petii a domino, ut contempler delectationem domini; et de qua dicit ipse dominus: Et ego diligam eum et ostendam me ipsum illi; et propter quam solam fide corda mundamus ut simus beati mundicordes quoniam ipsi deum videbunt; et si qua alia de ista visione dicta sunt quae copiosissime sparsa per omnes scripturas invenit quisquis ad eam quaerendam oculum amoris intendit - sola est summum bonum nostrum cuius adipiscendi causa praecipimur agere quidquid recte agimus. Visio vero illa filii hominis quae praenuntiata est cum congregabuntur ante eum omnes gentes et dicent ei: Domine, quando te vidimus esurientem et sitientem? et cetera, nec bonum erit impiis qui mittentur in ignem aeternum, nec summum bonum erit iustis. Adhuc enim vocat eos ad regnum quod eis paratum est ab initio mundi. Sicut enim illis dicet: Ite in ignem aeternum, sic istis: Venite, benedicti patris mei, possidete paratum vobis regnum. Et sicut ibunt illi in ambustionem aeternam, sic iusti in vitam aeternam. Quid est autem vita aeterna nisi ut cognoscant te, inquit, unum verum deum et quem misisti Iesum Christum? Sed iam in ea claritate de qua dicit patri: quam habui apud te priusquam mundus fieret. Tunc enim tradet regnum deo et patri ut intret servus bonus in gaudium domini sui, et abscondat eos quos possidet deus in abscondito vultus sui a conturbatione hominum, eorum scilicet qui tunc conturbabuntur audientes illam sententiam. A quo auditu malo iustus non timebit si modo protegatur in tabernaculo, id est in fide recta catholicae ecclesiae, a contradictione linguarum, id est a calumniis haereticorum.
Si vero est alius intellectus verborum domini quibus ait: Quid me interrogas de bono? Nemo bonus nisi unus deus, dum tamen non ideo credatur maioris bonitatis esse patris quam filii substantia secundum quam verbum est per quod facta sunt omnia nihilque abhorret a sana doctrina, securi utamur non uno tantum sed quotquot reperiri potuerint. Tanto enim fortius convincuntur haeretici quanto plures exitus patent ad eorum laqueos evitandos. Sed ea quae adhuc consideranda sunt ab alio iam petamus exordio.