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De la trinité
CHAPITRE I.
RÈGLES D’INTERPRÉTATION.
Tout chrétien qui veut parler de Notre-Seigneur Jésus-Christ, doit s’attacher inviolablement à la règle canonique qui est basée sur l’Ecriture et sur l’enseignement des docteurs catholiques. Or cette règle nous apprend à considérer le Fils de Dieu comme égal à son Père, selon la nature divine qu’il possède essentiellement, et inférieur au Père selon la forme d’esclave qu’il a daigné prendre. En cette forme il est inférieur au Père, et à l’Esprit-Saint. Que dis-je? il est inférieur à lui-même, non certes en tant qu’il a été dans le temps, mais en tant qu’il est; car en prenant la forme d’esclave, il n’a point dépouillé la forme de Dieu; et c’est ce que j’ai prouvé dans le livre précédent par plusieurs citations des saintes Ecritures. Cependant il faut reconnaître que nos livres sacrés renferment quelques passages dont le sens peut sembler douteux. Le (368) lecteur hésite donc à les entendre du Fils qui, comme homme, est inférieur au Père, ou du Fils qui, comme Dieu, est égal au Père. C’est qu’en effet nous disons du Fils qu’il est Dieu de Dieu, et lumière de lumière, tandis qu’en parlant du Père, nous disons simplement qu’il est Dieu, et non, Dieu de Dieu. Il est en effet évident que Dieu le Fils a un Père qui l’a engendré, et dont il est le Fils. Le Père au contraire ne doit rien au Fils, si ce n’est que par lui il est le Père. Car tout fils tient de son père tout ce qu’il est, et il ne peut cesser d’être son fils. Mais le père n’est point redevable à son fils de ce qu’il est, puisqu’il est son père.
Ainsi dans l’Ecriture certains passages marquent qu’entre le Père et le Fils il y a égalité et unité de nature. En voici quelques-uns: « Mon Père et moi sommes un ». Et encore: « Jésus-Christ ayant la nature de Dieu, n’a pas cru que ce fût pour lui une usurpation de s’égaler à Dieu ( Jean, X , 30 ; Philipp., II, 6 ) ». Il serait facile de multiplier des citations semblables. Mais (l’un autre côté plusieurs textes prouvent que le Fils est inférieur au Père en tant qu’il a pris la forme d’esclave, et qu’il a revêtu l’infirmité de la nature humaine. « Le Père », dit Jésus-Christ, « est plus grand que moi » ; et encore : « Le Père ne juge personne, mais il a donné au Fils la puissance de juger». Aussi ajoute-t-il, comme conséquence de cette première parole, « que cette puissance de juger lui a été donnée parce qu’il est Fils de l’homme (Jean, XIV, 28, V, 22, 27. ) » Enfin quelques autres passages se taisent sur toute idée d’égalité, ou d’infériorité, et se bornent à exprimer ce que le Fils tient du Père. Tels sont ceux-ci: « Comme le Père a la vie en soi, ainsi il a donné au Fils d’avoir en soi la vie…et le Fils ne peut rien faire par lui-même, qu’il ne le voie faire au Père ( Jean, V, 26, 19 ).
Si l’on rapportait ce dernier texte à Jésus-Christ comme étant inférieur au Père, en tant qu’il a pris la forme d’esclave, il s’ensuivrait que le Père a marché le premier sur les eaux, qu’il a guéri avec de la salive et de la boue un aveugle-né, et qu’il a opéré tous les miracles que le Fils, comme homme, a faits parmi les hommes (Matt., XIV, 26, Jean, IX, 6, 7). Autrement Jésus-Christ n’eût pu les faire, puisque « le Fils ne peut rien faire par lui-même, qu’il ne le voie faire au Père ». Mais qui porterait jusqu’à ce point le délire et l’extravagance? Le sens de ces paroles est donc d’abord, que la vie est immuable dans le Fils comme dans le Père, et que néanmoins le Fils est engendré du Père; ensuite qu’il y a dans le Père et le Fils unité d’opération, et que néanmoins le Fils tient du Père qui l’a engendré, la puissance d’agir; et en troisième lieu que le Fils voit le Père, mais de telle manière que de cette vue résulte le fait de sa génération. Et en effet, pour le Fils, voir le Père, c’est être du Père ou en être engendré; et le voir agir, c’est agir également, mais non de lui-même, parce qu’il ne s’est pas engendré lui-même, Aussi dit-il que « quelque chose que le Fils voie faire au Père, il le fait aussi », parce qu’il est né du Père ( Jean, V, 19 ).
Mais ici il ne faut se représenter ni le peintre qui reproduit le tableau qu’il a sous les yeux, ni la main qui fixe par l’écriture les pensées de l’esprit; c’est un ordre d’opération tout différent, car « quelque chose que le Père fasse, le Fils le fait également comme lui ( Ibid.)
Ces derniers mots, également et comme lui, expriment qu’il y a unité d’opération dans le Père et le Fils, et ils indiquent en même temps que le Fils agit par le Père. C’est pourquoi « le Fils ne peut rien faire par lui-même, qu’il ne le voie faire au Père ». Au reste, en parlant ainsi, les écrivains sacrés n’ont point voulu affirmer que le Fils, comme Dieu, est inférieur au Père, et ils se sont seulement proposé de nous marquer sa génération éternelle. C’est donc faussement que quelques-uns en concluent l’infériorité d u Fils. Cette erreur provient en eux d’une connaissance peu approfondie de nos livres saints, et parce que la saine raison se refuse à interpréter ces divers passages du Fils de Dieu, comme homme, ils se troublent et s’égarent en leurs pensées. Voulons-nous éviter ce malheur? attachons-nous fortement à la règle qui explique ces textes, non de l’infériorité du Fils, mais de sa génération, et voyons-y, non l’indice d’une inégalité quelconque entre le Père et le Fils, mais le mode de la naissance de celui-ci.
Edition
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De Trinitate
I.
[I 2] Quamobrem quamquam firmissime teneamus de domino nostro Iesu Christo et per scripturas disseminatam et a doctis catholicis earundem scripturarum tractatoribus demonstratam tamquam canonicam regulam quomodo intellegatur dei filius et aequalis patri secundum dei formam in qua est et minor patre secundum servi formam quam accepit, in qua forma non solum patre sed etiam spiritu sancto, neque hoc tantum sed etiam se ipso minor inventus est, non se ipso qui fuit sed se ipso qui est quia forma servi accepta formam dei non amisit, sicut scripturarum quae in superiore libro commemoravimus testimonia docuerunt; sunt tamen quaedam in divinis eloquiis ita posita ut ambiguum sit ad quam potius regulam referantur, utrum ad eam qua intellegimus minorem filium in assumpta creatura, an ad eam qua intellegimus non quidem minorem esse filium, sed aequalem patri, tamen ab illo hunc esse deum de deo, lumen de lumine. Filium quippe dicimus deum de deo; patrem autem deum tantum, non ‚de deo.‘ Unde manifestum est quod filius habeat alium de quo sit et cui filius sit; pater autem non filium de quo sit habeat sed tantum cui pater sit. Omnis enim filius de patre est quod est et patri filius est; nullus autem pater de filio est quod est sed filio pater est.
[3] Quaedam itaque ita ponuntur in scripturis de patre et filio ut indicent unitatem aequalitatemque substantiae, sicuti est: Ego et pater unum sumus, et: Cum in forma dei esset, non rapinam arbitratus est esse aequalis deo, et quaecumque talia sunt. Quaedam vero ita ut minorem ostendant filium propter formam servi, id est propter assumptam creaturam mutabilis humanaeque substantiae, sicuti est quod ait: Quoniam pater maior me est, et: Pater non iudicat quemquam sed omne iudicium dedit filio. Nam paulo post consequenter ait: Et potestatem dedit ei et iudicium facere, quoniam filius hominis est. Quaedam porro ita ut nec minor nec aequalis tunc ostendatur sed tantum quod de patre sit intimetur, ut est illud: Sicut habet pater vitam in semet ipso, sic dedit filio vitam habere in semet ipso, et illud: Neque enim potest filius a se facere quidquam nisi quod viderit patrem facientem. Quod si propterea dictum acceperimus quia in forma accepta ex creatura minor est filius, consequens erit ut prior pater super aquas ambulaverit aut alicuius alterius caeci nati de sputo et luto oculos aperuerit, et cetera quae filius in carne apparens inter homines fecit, ut possit ea facere qui dixit non posse filium a se facere quidquam nisi quod viderit patrem facientem. Quis autem vel delirus ita sentiat? Restat ergo ut haec ideo dicta sint quia incommutabilis est vita filii sicut patris, et tamen de patre est; et inseparabilis est operatio patris et filii, sed tamen ita operari filio de illo est de quo ipse est, id est de patre; et ita videt filius patrem ut quo eum videt hoc ipso sit filius. Non enim aliud illi est esse de patre, id est nasci de patre, quam videre patrem, aut aliud videre operantem quam pariter operari; sed ideo non a se quia non est a se, et ideo quod viderit patrem quia de patre est. Neque enim alia similiter, sicut pictor alias tabulas pingit quemadmodum alias ab alio pictas vidit; nec eadem dissimiliter, sicut corpus easdem litteras exprimit quas animus cogitavit; sed: Quaecumque, inquit, pater facit, haec eadem et filius facit similiter. Et haec eadem dixit et similiter, ac per hoc inseparabilis et par operatio est patri et filio, sed a patre est filio. Ideo non potest filius a se facere quidquam nisi quod viderit patrem facientem. Ex hac ergo regula qua ita loquuntur scripturae ut non alium alio minorem sed tantum velint ostendere quis de quo sit, nonnulli eum sensum conceperunt tamquam minor filius diceretur. Quidam autem nostri indoctiores et in his minime eruditi, dum haec secundum formam servi conantur accipere et eos rectus intellectus non sequitur, perturbantur. Quod ne accidat, tenenda est et haec regula qua non minor filius sed quod de patre sit intimatur, quibus verbis non inaequalitas sed nativitas eius ostenditur.