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De la trinité
CHAPITRE VII.
IL N’EST PAS FACILE D’ENTREVOIR LA TRINITÉ DIVINE D’APRÈS LES TRINITÉS DONT NOUS AVONS PARLÉ.
Mais ces trois choses sont dans l’homme et ne sont pas l’homme lui-même ; car l’homme, suivant la définition des anciens, est un animal doué de raison et sujet à la mort. Elles sont donc la meilleure partie de l’homme, mais ne sont pas l’homme. Et une seule personne, c’est-à-dire chaque homme pris en particulier, les possède toutes les trois dans son âme. Que si nous définissons l’homme : une substance raisonnable composée d’une âme et d’un corps, il est évident que l’homme a une âme qui n’est pas corps, et un corps qui n’est pas âme. Conséquemment ces trois choses sont dans l’homme, ou à l’homme, mais ne sont pas l’homme. Maintenant, abstraction faite du corps et à considérer l’âme seule, l’intelligence en est une partie, elle en est comme la tête si l’on veut, ou l’oeil, (547) ou la face; mais il ne faut pas raisonner ici comme pour les corps. Ainsi donc l’intelligence n’est pas l’âme, mais la meilleure partie de l’âme. Or, pouvons-nous dire que la Trinité est en Dieu comme quelque chose qui lui appartient, mais n’est pas Dieu? Chaque homme, qui est appelé l’image de Dieu par son âme seulement, et non par tout ce qui tient à sa nature, est une personne et est par son âme l’image de la Trinité; mais la Trinité, dont cette âme est l’image, n’est pas autre chose que Dieu dans sa totalité, ni autre chose que la Trinité dans sa totalité. Rien n’appartient à la nature de Dieu qui n’appartienne aussi à cette Trinité, et les trois personnes sont une seule essence, et non, comme l’homme, une seule personne.
Une autre différence énorme, c’est que quand nous parlons de l’âme dans l’homme, de la connaissance qu’elle a d’elle-même et de l’amour qu’elle se porte ; ou de la mémoire, de l’intelligence et de la volonté, nous ne nous souvenons de l’âme elle-même que par la mémoire, nous ne la connaissons que par l’intelligence, et nous ne l’aimons que par la volonté. Mais, dans cette souveraine Trinité, qui oserait dire que le Père ne se connaît lui-même, ne connaît le Fils elle Saint-Esprit, que par le Fils, qu’il n’aime que par le Saint-Esprit, mais qu’il se souvient seulement par lui-même, de lui-même et du Fils et du Saint-Esprit? Que le Fils pareillement, ne se souvient de lui-même ni de son Père que par le Père, qu’il n’aime que par le Saint-Esprit, et que par lui-même il ne peut que connaître le Père, se connaître lui-même et le Saint-Esprit? Que le Saint-Esprit à son tour se souvient, par le Père, et du Père et du Fils et de lui-même, qu’il connaît par le Fils et le Père elle Fils et lui-même, mais que par lui-même il ne peut que s’aimer, et aimer le Père et le Fils? Comme si le Père était sa propre mémoire et celle du Fils et du Saint-Esprit; le Fils sa propre connaissance et celle du Père et du Saint-Esprit; et le Saint-Esprit son propre amour, et l’amour du Père et du Fils! Oui qui osera penser ou affirmer de pareilles choses de cette Trinité?
Car si le Fils a seul de l’intelligence pour lui, pour le Père et pour le Saint-Esprit, on retombera dans cette absurde proposition que le Père n’est pas sage par lui-même mais par son Fils : alors la sagesse n’aura plus engendré la sagesse, mais il faudra dire que le Père est sage de la sagesse qu’il a engendrée. Car il ne peut y avoir de sagesse là où il n’y a pas d’intelligence; par conséquent si le Père ne comprend pas par lui-même, mais que le Fils comprenne pour le Père, c’est évidemment le Fils qui communique la sagesse à son Père. Et si, pour Dieu, être et être sage c’est la même chose, si son essence est la même chose que la sagesse, le Fils ne sera plus du Père, comme l’enseigne la vérité ; mais le Père tiendra son essence du Fils : ce qui est le comble de l’absurdité et de l’erreur. Nous avons discuté, confondu, repoussé cette absurdité dans le septième livre (Ch., I, 3 ): cela est très-certain. Dieu le Père est donc sage de sa propre sagesse; et le Fils, sagesse du Père, est donc de la sagesse qui est le Père, duquel il a été engendré. Par conséquent le Père est aussi intelligent de sa propre intelligence car il ne serait pas sage, s’il n’était pas intelligent; mais le Fils est l’intelligence du Père, engendré de l’intelligence qui est le Père. Le même raisonnement peut s’appliquer à la mémoire. Comment en effet celui qui ne se souvient de rien, pas même de lui, serait-il sage? Donc, puisque le Fils est sagesse parce que le Père est sagesse, le Fils se souvient de lui-même, comme la Père se souvient de lui-même; et comme c’est par sa propre mémoire, et non par celle de son Fils, que le Père se souvient de lui-même et de son Fils, de même le Fils se souvient de lui-même et de son Père, non par la mémoire de son Père, mais par la sienne propre.
Mais où il n’y a pas d’amour, peut-on dire qu’il y a sagesse ? Il faut donc conclure que le Père est son propre amour, comme il est son intelligence et sa mémoire. Donc dans cette souveraine et immuable essence qui est Dieu, ces trois choses; la mémoire, l’intelligence, l’amour, ne sont pas le Père, le Fils elle Saint-Esprit, mais le Père seul. Et comme le Fils est aussi sagesse engendrée de sagesse, que ce n’est point le Père ni le Saint-Esprit qui comprennent pour lui, mais qu’il comprend par lui-même; ainsi ce n’est point le Père qui se souvient pour lui, ni le Saint-Esprit qui aime pour lui, mais il se souvient et aime par lui-même; car il est sa propre mémoire, sa propre intelligence, son propre amour; néanmoins il tient tout cela du Père, de qui il est (548) né. Egalement, comme l’Esprit-Saint est sagesse procédant de sagesse, il n’a pas le Père pour mémoire, le Fils pour intelligence et lui-même pour amour: car il ne serait pas sage, si un autre se souvenait pour lui, si un autre comprenait pour lui, et qu’il n’eût à lui-même que son propre amour. Mais il possède lui-même ces trois choses, et il les possède en ce sens qu’elles sont lui. Toutefois il les tient d’où il procède.
- Mais qui donc, parmi les hommes, peut comprendre cette sagesse par laquelle Dieu connaît toutes choses, de telle sorte que ce que nous appelons passé n’est point passé pour lui, qu’il n’a point à attendre ce qui doit venir, mais que le passé et le futur sont pour lui la même chose que le présent; qu’il ne voit pas les choses une à une; que sa pensée ne passe pas d’une chose à une autre, mais qu’il embrasse tout à la fois d’un seul regard : quel homme, dis-je, comprend cette sagesse, qui est tout à la fois prévoyance et science, alors que nous ne comprenons pas même la nôtre? Nous pouvons, il est vrai, voir d’une manière quelconque ce qui est présent à nos sens ou à notre intelligence; mais ce qui a cessé de leur être présent, nous ne le connaissons plus que par la mémoire, si nous ne l’avons pas oublié. Nous ne jugeons pas le passé par l’avenir, mais nous conjecturons l’avenir d’après le passé, et encore d’une manière peu sure. En effet, quand nous prévoyons certaines pensées, avec plus de clarté et plus de certitude, parce qu’un avenir plus prochain les met, pour ainsi dire, sous nos yeux, nous ne le pouvons, dans la mesure où nous le pouvons, que par l’action de la mémoire, faculté qui semble appartenir au passé plutôt qu’à l’avenir. Nous en avons l’expérience dans les paroles ou dans les chants que nous reproduisons de mémoire dans leur enchaînement:
car nous n’en viendrions pas à bout, si nous ne prévoyions en pensée ce qui doit suivre. Et cette prévision, pourtant, n’est pas l’effet de la prévoyance, mais bien de la mémoire : puisque, jusqu’à la fin de ce que nous avons à dire ou à chanter, tout sera prévu, aperçu à l’avance. Cependant, dans ce cas, on ne dit pas que nous parlons ou que nous chantons par prévoyance, mais par mémoire; et chez ceux qui ont, sous ce rapport, une faculté extraordinaire, c’est la mémoire qu’on vante et non la prévoyance. Tout cela se fait en notre âme ou par notre âme, nous le savons, nous en avons la servitude ; mais comment cela se fait-il? Plus nous cherchons à le savoir, plus la parole nous fait défaut, et notre attention elle-même ne saurait se soutenir jusqu’à nous le faire, sinon exprimer, du moins comprendre. Pensons-nous que notre esprit si infirme puisse jamais comprendre que la Providence divine est la même chose que la mémoire et son intelligence, cette Providence qui ne pense pas en détail, mais embrasse tout l’objet de ses connaissances d’un regard unique, éternel, immuable et au dessus de toute expression? Au milieu de ces difficultés et de ces angoisses, c’est le cas de crier au Dieu vivant: « Votre science est merveilleusement élevée au-dessus de moi, et je n’y pourrai atteindre (Ps., CXXXVIII, 6 ). » Je comprends, d’après moi, combien est admirable et incompréhensible cette science par laquelle vous m’avez créé, puisque je ne puis pas même me comprendre, moi que vous avez fait. Cependant mon coeur s’est enflammé dans ma méditation (Ps., XXXVIII, 4 ), afin de chercher sans cesse votre présence (Ps., CIV, 4 ).
Edition
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De Trinitate
VII.
[VII 11] Sed haec tria ita sunt in homine ut non ipsa sint homo. Homo est enim sicut veteres definierunt animal rationale, mortale. Illa ergo excellunt in homine, non ipsa sunt homo. Et una persona, id est singulus quisque homo, habet illa tria in mente vel mentem. Quod si etiam sic definiamus hominem, ut dicamus: ‚Homo est substantia rationalis constans ex anima et corpore,‘ non est dubium hominem habere animam quae non est corpus, habere corpus quod non est anima. Ac per hoc illa tria non homo sunt sed hominis sunt vel in homine sunt. Detracto etiam corpore si sola anima cogitetur, aliquid eius est mens tamquam caput eius vel oculus vel facies, sed non haec ut corpora cogitanda sunt. Non igitur anima sed quod excellit in anima mens vocatur. Numquid autem possumus dicere trinitatem sic esse in deo ut aliquid dei sit nec ipsa sit deus? Quapropter singulus quisque homo qui non secundum omnia quae ad naturam pertinent eius sed secundum solam mentem imago dei dicitur una persona est et imago est trinitatis in mente. Trinitas vero illa cuius imago est nihil aliud est tota quam deus, nihil aliud est tota quam trinitas. Nec aliquid ad naturam dei pertinet quod ad illam non pertineat trinitatem, et tres personae sunt unius essentiae non sicut singulus quisque homo una persona.
[12] Itemque in hoc magna distantia est quod sive mentem dicamus in homine eiusque notitiam et dilectionem, sive memoriam, intellegentiam, voluntatem, nihil mentis meminimus nisi per memoriam nec intellegimus nisi per intellegentiam nec amamus nisi per voluntatem. At vero in illa trinitate quis audeat dicere patrem nec se ipsum nec filium nec spiritum sanctum intellegere nisi per filium, vel diligere nisi per spiritum sanctum, per se autem meminisse tantummodo vel sui vel filii vel spiritus sancti; eodemque modo filium nec sui nec patris meminisse nisi per patrem, nec diligere nisi per spiritum sanctum, per se autem non nisi intellegere et patrem et se ipsum et spiritum sanctum; similiter et spiritum sanctum per patrem meminisse et patris et filii et sui, et per filium intellegere et patrem et filium et se ipsum, per se autem non nisi diligere et se et patrem et filium, tamquam memoria sit pater et sua et filii et spiritus sancti, filius autem intellegentia et sua et patris et spiritus sancti, spiritus vero sanctus caritas et sua et patris et filii?
Quis haec in illa trinitate opinari vel affirmare praesumat? Si enim solus ibi filius intellegit et sibi et patri et spiritui sancto, ad illam reditur absurditatem ut pater non sit sapiens de se ipso sed de filio, nec sapientia sapientiam genuerit sed ea sapientia pater dicatur sapiens esse quam genuit. Ubi enim non est intellegentia nec sapientia potest esse, ac per hoc si pater non intellegit ipse sibi sed filius intellegit patri, profecto filius patrem sapientem facit. Et si hoc est deo esse quod sapere et ea illi essentia est quae sapientia, non filius a patre, quod verum est, sed a filio potius habet pater essentiam, quod absurdissimum atque falsissimum est. Hanc absurditatem nos in libro septimo discussisse, convicisse, abiecisse certissimum est. Est ergo deus pater sapiens ea qua ipse sua est sapientia, et filius sapientia patris de sapientia quod est pater de quo est genitus filius. Quocirca consequenter est et intellegens pater ea qua ipse sua est intellegentia; neque enim esset sapiens qui non esset intellegens. Filius autem intellegentia patris de intellegentia genitus quod est pater. Hoc et de memoria non inconvenienter dici potest. Quomodo est enim sapiens qui nihil meminit, vel sui non meminit? Proinde quia sapientia pater, sapientia filius, sicut sibi meminit pater ita et filius; et sicut sui et filii meminit pater memoria non filii sed sua, ita sui et patris meminit filius memoria non patris sed sua. Dilectio quoque ubi nulla est quis ullam dicat esse sapientiam? Ex quo colligitur ita esse patrem dilectionem suam ut intellegentiam et memoriam suam. Ecce ergo tria illa, id est memoria, intellegentia, dilectio seu voluntas in illa summa et immutabili essentia quod est deus, non pater et filius et spiritus sanctus sunt, sed pater solus. Et quia filius quoque sapientia est genita de sapientia, sicut nec pater ei nec spiritus sanctus intellegit sed ipse sibi, ita nec pater ei meminit nec spiritus sanctus ei diligit sed ipse sibi; sua enim est et ipse memoria, sua intellegentia, sua dilectio, sed ita se habere de patre illi est de quo natus est. Spiritus etiam sanctus quia sapientia est procedens de sapientia non patrem habet memoriam et filium intellegentiam et se dilectionem; neque enim sapientia esset si alius ei meminisset eique alius intellegeret ac tantummodo sibi ipse diligeret; sed ipse habet haec tria et ea sic habet ut haec ipsa ipse sit. Verumtamen ut ita sit inde illi est unde procedit.
[13] Quis ergo hominum potest istam sapientiam qua novit deus omnia ita ut nec ea quae dicuntur praeterita ibi praetereant, nec ea quae dicuntur futura quasi desint exspectentur ut veniant, sed et praeterita et futura cum praesentibus sint cuncta praesentia; nec singula cogitentur et ab aliis ad alia cogitando transeatur, sed in uno conspectu simul praesto sint universa; quis, inquam, hominum comprehendit istam sapientiam eandemque prudentiam eandemque scientiam quandoquidem a nobis nec nostra comprehenditur? Ea quippe quae vel sensibus vel intellegentiae nostrae adsunt possumus utcumque conspicere; ea vero quae absunt et tamen adfuerunt per memoriam novimus, quae obliti non sumus. Nec ex futuris praeterita sed futura ex praeteritis non tamen firma cognitione conicimus. Nam quasdam cogitationes nostras quas futuras velut manifestius atque certius proximas quasque prospicimus memoria faciente id agimus cum agere valemus quantum valemus, quae videtur non ad ea quae futura sunt sed ad praeterita pertinere. Quod licet experiri in eis dictis vel canticis quorum seriem memoriter reddimus; nisi enim praevideremus cogitatione quod sequitur non utique diceremus. Et tamen ut praevideamus non providentia nos instruit sed memoria. Nam donec finiatur omne quod dicimus sive canimus nihil est quod non provisum prospectumque proferatur. Et tamen cum id agimus non dicimur providenter sed memoriter canere vel dicere, et qui hoc in multis ita proferendis valent plurimum, non solet eorum providentia sed memoria praedicari.
Fieri ista in animo vel ab animo nostro novimus et certissimi sumus. Quomodo autem fiant quanto attentius voluerimus advertere tanto magis noster et sermo succumbit et ipsa non perdurat intentio ut ad liquidum aliquid nostra intellegentia etsi non lingua perveniat. Et putamus nos utrum dei providentia eadem sit quae memoria et intellegentia qui non singula cogitando aspicit sed una, aeterna et immutabili atque ineffabili visione complectitur cuncta quae novit, tanta mentis infirmitate posse comprehendere? In hac igitur difficultate et angustiis libet exclamare ad deum vivum: Mirificata est scientia tua ex me; invaluit, et non potero ad illam. Ex me quippe intellego quam sit mirabilis et incomprehensibilis scientia tua qua me fecisti quando nec me ipsum comprehendere valeo quem fecisti, et tamen in meditatione mea exardescit ignis ut quaeram faciem tuam semper.