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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) De Trinitate

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De la trinité

CHAPITRE XII.

PHILOSOPHIE DE L’ACADÉMIE.

Tout d’abord cette science, dont notre pensée se forme d’après la vérité, quand nous exprimons ce que nous savons, quelle est-elle et dans quelle mesure peut-elle provenir à l’homme le plus habile et le plus savant que nous puissions supposer? Si nous exceptons ce qui arrive à l’âme par les sens du corps, ces choses qui sont si souvent autrement qu’elles ne paraissent, toutes ces vraisemblances dont l’encombrement est parfois tel que l’insensé se croit sain d’esprit — ce qui a donné tant de vogue à la philosophie de l’académie qui s’est mise à douter de tout, folie cent fois plus misérable encore — excepté, dis-je, ce qui vient à l’âme par les sens du corps, que nous reste-t-il en fait de connaissances, dont nous soyons aussi assurés que de notre existence?Ici, du moins, nous ne craignons pas d’être trompés par la vraisemblance, puisque nous savons avec certitude qu’on peut se tromper et vivre; et il ne s’agit pas d’un de ces objets visibles, placés hors de nous, où il arrive au regard de se tromper, comme quand la rame, vue à travers l’eau, lui semble brisée, ou quand on est sur un vaisseau et qu’on croit voir des tours remuer, ou dans mille autres circonstances de ce genre où les choses sont autrement qu’elles ne paraissent; car ici ce n’est pas l’oeil du corps qui voit. Nous savons d’une science intime que nous vivons; un académicien ne peut pas même dire : Peut-être dors-tu sans le savoir, et ne vois-tu qu’un rêve. Sans doute les rêves de l’homme endormi ressemblent fort à ce que voit l’homme éveillé : qui ne le sait? Mais l’homme qui a la certitude de vivre, ne dit pas : Je sais que je suis éveillé; il dit : Je sais que je vis; et il vit, endormi ou éveillé. Et là-dessus il ne peut pas être trompé par des songes: car pour dormir et voir en songe, il faut vivre. Un académicien ne peut non plus lui objecter : Tu es peut-être fou sans le savoir ; les hallucinations des fous ressemblent fort aux idées des hommes sains d’esprit : car, pour être fou, il faut vivre. Et cet homme ne répond pas aux académiciens : Je sais que je ne suis pas fou, mais bien : Je sais que je vis. Ainsi donc on ne se trompe jamais et l’on ne ment jamais à dire : Je sais que je vis. Qu’on oppose donc à cette affirmation (554) mille exemples de déception dans les yeux; l’homme qui dit: Je sais que je vis, n’a pas à s’en émouvoir, parce que pour se tromper il faut vivre. Mais si la science humaine se borne à de telles certitudes, elle est bien petite; à moins que ces certitudes ne soient si multipliées dans chaque ordre de choses, qu’elles cessent d’être en petite quantité et qu’elles tendent même à un nombre indéfini. En effet, l’homme qui dit : Je sais que je vis, n’affirme qu’une chose; mais s’il dit : Je sais que je sais que je vis, il en affirme déjà deux; et à ces deux choses s’en joint une troisième, la connaissance qu’il en a. Il pourra y en ajouter une quatrième, une cinquième et ainsi de suite indéfiniment, s’il suffit à la tâche. Mais comme il ne peut ni embrasser une quantité innombrable par des additions de détail, ni parler indéfiniment, il y a une chose qu’il comprend et exprime en toute certitude, c’est que cela est vrai et que le nombre est tellement au-dessus du calcul qu’il lui est impossible de comprendre et d’exprimer un nombre infini.

On peut en dire autant des certitudes de la volonté. Qui peut en effet, sans effronterie, dire : Tu te trompes, à l’homme qui dit : Je désire être heureux? Et s’il dit: Je sais que je le veux, et je sais que je le sais : déjà à deux choses, il en ajoute une troisième, la connaissance qu’il a de ces deux choses; puis une quatrième; qu’il sait qu’il sait ces deux choses, et ainsi de suite, indéfiniment. Egalement si quelqu’un dit: Je ne veux pas me tromper; soit qu’il se trompe, soit qu’il ne se trompe pas, ne sera-t-il pas toujours vrai qu’il ne veut pas se tromper? Et qui portera l’insolence jusqu’à lui dire : Peut-être en cela te trompes-tu, puisque, quelle que puisse être son erreur, il ne se trompe pas dans la volonté de ne pas se tromper? Et s’il dit qu’il sait cela, il peut y ajouter une quantité quelconque de choses à lui connues, et bientôt il s’apercevra que le nombre en est indéfini. En effet, celui qui dit: Je ne veux pas me tromper et je sais que je ne le veux pas, et je sais que je sais cela, indique par le fait un nombre indéfini, quoique difficile à exprimer. On pourrait encore opposer d’autres exemples aux académiciens qui affirment que l’homme ne peut rien savoir.

Mais nous devons nous borner, surtout parce que ce n’est point là le sujet de ccl ouvrage. Dans le premier moment de notre conversion, nous avons écrit trois livres contre les académiciens; celui qui pourra et voudra les lire et les bien comprendre, ne se laissera certainement point ébranler par les nombreux arguments que l’on a imaginés pour contester la possibilité de percevoir la vérité (Voir tome III ). Car comme il y a deux espèces de connaissances, celle des objets que l’âme perçoit par l’entremise des sens, et celle des choses qu’elle perçoit par elle-même, ces philosophes ont débité une foule de niaiseries contre les sens du corps; mais ils n’ont pu révoquer en doute que l’âme perçoive par elle-même et en toute certitude certaines vérités, comme celle dont je parlais tout à l’heure : Je sais que je vis. Mais à Dieu ne plaise que nous doutions de la vérité des perceptions acquises par les sens ! car c’est par eux que nous connaissons l’existence du ciel et de la terre, et tout ce que nous savons des objets qu’ils renferment, dans la mesure où l’a voulu Celui qui les a créés et nous a créés nous-mêmes. Loin de nous également la pensée de nier ce que nous avons appris par le témoignage des autres ! Autrement nous ignorerions qu’il y a un Océan; nous ne connaîtrions pas l’existence de certaines contrées, de certaines villes renommées; nous ne saurions rien des hommes d’autrefois, rien de leurs actions mentionnées par l’histoire; nous resterions dans l’ignorance des nouvelles qui nous viennent chaque jour de tout côté, et dont la certitude repose sur des indices concordants et dignes de foi; enfin nous ne saurions pas même où nous sommes, ni de qui nous sommes nés, puisque nous avons appris tout cela par le témoignage des autres. Or si ce serait là le comble de l’absurdité, il faut donc reconnaître que la somme de nos connaissances s’est bien augmentée, non-seulement par nos propres sens, mais par ceux des autres.

  1. Ainsi ces diverses connaissances que l’âme perçoit ou par elle-même, ou par les sens du corps, ou par le témoignage des autres, elle les renferme dans le trésor de sa mémoire, et c’est de là qu’est engendré le Verbe vrai, quand nous disons ce que nous savons, mais verbe antérieur à tout son, à toute pensée de son. Alors le verbe est parfaitement semblable à l’objet connu, qui engendre même son image, puisque la vision de la pensée naît de la vision de la science: (555) verbe qui n’appartient à aucune langue verbe vrai d’une chose vraie, n’ayant rien de lui-même, mais tenant tout de la science dont il naît. Peu importe le moment où celui qui exprime ce qu’il sait, l’a appris; quelquefois il parle aussitôt qu’il sait; l’essentiel est que le verbe soit vrai, c’est-à-dire né de choses connues.

Edition Masquer
De Trinitate

XII.

[XII] Primo ipsa scientia de qua veraciter cogitatio nostra formatur quando quae scimus loquimur, qualis aut quanta potest homini provenire quamlibet peritissimo atque doctissimo? Exceptis enim quae in animum veniunt a sensibus corporis in quibus tam multa aliter sunt quam videntur ut eorum verisimilitudine nimium constipatus sanus sibi videatur esse qui insanit (unde academica philosophia sic invaluit ut de omnibus dubitans multo miserius insaniret), his ergo exceptis quae a corporis sensibus in animum veniunt, quantum rerum remanet quod ita sciamus sicut nos vivere scimus? In quo prorsus non metuimus ne aliqua verisimilitudine forte fallamur quoniam certum est etiam eum qui fallitur vivere, nec in eis visis habetur hoc quae obiciuntur extrinsecus ut in eo sic fallatur oculus quemadmodum fallitur cum in aqua remus videtur infractus et navigantibus turris moveri et alia sexcenta quae aliter sunt quam videntur, quia nec per oculum carnis hoc cernitur.

Intima scientia est qua nos vivere scimus ubi ne illud quidem academicus dicere potest: ‚Fortasse dormis et nescis et in somnis vides.‘ Visa quippe somniantium simillima esse visis vigilantium quis ignorat? Sed qui certus est de suae vitae scientia non in ea dicit: ‚Scio me vigilare,‘ sed: ‚Scio me vivere.‘ Sive ergo dormiat sive vigilet, vivit. Nec in ea scientia per somnia falli potest quia et dormire et in somnis videre viventis est. Nec illud potest Academicus adversus istam scientiam dicere: ‚Furis fortassis et nescis quia sanorum visis simillima sunt etiam visa furentium, sed qui furit vivit.‘ Nec contra Academicos dicit: ‚Scio me non furere,‘ sed: ‚Scio me vivere.‘ Numquam ergo falli nec mentiri potest qui se vivere dixerit scire. Mille itaque fallacium visorum genera obiciantur ei qui dicit: ‚Scio me vivere.‘ Nihil horum timebit quando et qui fallitur vivit.

Sed si talia sola pertinent ad humanam scientiam, perpauca sunt nisi quia in unoquoque genere ita multiplicantur ut non solum pauca non sint, verum etiam reperiantur per infinitum numerum tendere. Qui enim dicit: ‚Scio me vivere,‘ unum aliquid scire se dicit. Proinde si dicat: ‚Scio me scire me vivere,‘ duo sunt. Iam hoc vero quod scit haec duo tertium scire est. Sic potest addere et quartum et quintum et innumerabilia si sufficiat. Sed quia innumerabilem numerum vel comprehendere singula addendo vel dicere innumerabiliter non potest, hoc ipsum certissime comprehendit ac dicit, et verum hoc esse et tam innumerabile ut verbi eius infinitum numerum non possit comprehendere ac dicere.

Hoc et in voluntate certa similiter adverti potest. Quis est enim cui non impudenter respondeatur, ‚forte falleris,‘ dicenti: ‚Volo beatus esse‘? Et si dicat: ‚Scio me hoc velle et hoc me scire scio,‘ iam his duobus et tertium potest addere quod haec duo sciat; et quartum quod haec duo scire se sciat, et similiter in infinitum numerum pergere. Item si quispiam dicat: ‚Errare nolo,‘ nonne sive erret sive non erret, errare tamen eum nolle verum erit? Quis est qui huic non impudentissime dicat: ‚Forsitan falleris,‘ cum profecto ubicumque fallatur, falli se tamen nolle non fallitur. Et si hoc scire se dicat, addit quantum vult rerum numerum cognitarum et numerum esse perspicit infinitum. Qui enim dicit: ‚Nolo me falli et hoc me nolle scio et hoc me scire scio,‘ iam etsi non commoda elocutione potest hinc infinitum numerum ostendere. Et alia reperiuntur quae adversus Academicos valeant qui nihil ab homine sciri posse contendunt.

Sed modus adhibendus est praesertim quia opere isto non hoc suscepimus. Sunt inde libri tres nostri primo nostrae conversionis tempore scripti, quos qui potuerit et voluerit legere lectosque intellexerit, nihil eum profecto quae ab eis contra perceptionem veritatis argumenta multa inventa sunt permovebunt. Cum enim duo sint genera rerum quae sciuntur, unum earum quae per sensum corporis percipit animus, alterum earum quae per se ipsum, multa illi philosophi garrierunt contra corporis sensus; animi autem quasdam firmissimas per se ipsum perceptiones rerum verarum, quale illud est quod dixi: ‚scio me vivere,‘ nequaquam in dubium vocare potuerunt. Sed absit a nobis ut ea quae per sensus corporis didicimus vera esse dubitemus. Per eos quippe didicimus caelum et terram et ea quae in eis nota sunt nobis quantum ille qui et nos et ipsa condidit innotescere nobis voluit. Absit etiam ut scire nos negemus quae testimonio didicimus aliorum; alioquin esse nescimus oceanum; nescimus esse terras atque urbes quas celeberrima fama commendat; nescimus fuisse homines et opera eorum quae historica lectione didicimus; nescimus quae quotidie undecumque nuntiantur et indiciis consonis constantibusque firmantur; postremo nescimus in quibus locis vel ex quibus hominibus fuerimus exorti, quia haec omnia testimoniis credidimus aliorum. Quod si absurdissimum est dicere, non solum nostrorum verum etiam et alienorum corporum sensus plurimum addidisse nostrae scientiae confitendum est.

[22] Haec igitur omnia, et quae per se ipsum et quae per sensus sui corporis et quae testimoniis aliorum percepta scit animus humanus, thesauro memoriae condita tenet. Ex quibus gignitur verbum verum quando quod scimus loquimur, sed verbum ante omnem sonum, ante omnem cogitationem soni. Tunc enim est verbum simillimum rei notae, de qua gignitur et imago eius quoniam de visione scientiae visio cogitationis exoritur, quod est verbum linguae nullius, verbum verum de re vera, nihil de suo habens sed totum de illa scientia de qua nascitur. Nec interest quando id didicerit qui quod scit loquitur (aliquando enim statim ut discit hoc dicit), dum tamen verbum sit verum, id est de notis rebus exortum.

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