Edition
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De Trinitate
I.
[I 4] Nunc ergo primum quaerimus quod sequitur. Nam secundo loco in illa distributione positum est utrum ad hoc opus tantummodo creatura formata sit in qua deus, sicut tunc oportuisse iudicavit, humanis ostenderetur aspectibus; an angeli qui iam erant ita mittebantur ut ex persona dei loquerentur, assumentes corporalem speciem de creatura corporea in usum ministerii sui; aut ipsum corpus suum cui non subduntur sed subditum regunt mutantes atque vertentes in species quas vellent accomodatas atque aptas actionibus suis secundum attributam sibi a creatore potentiam. Qua parte quaestionis quantum dominus dederit pertractata postremo erit videndum id quod institueramus inquirere, utrum filius et spiritus sanctus et antea mittebantur, et si ita est quid inter illam missionem et eam quam in evangelio legimus distet; an missus non sit aliquis eorum nisi cum vel filius factus est ex Maria virgine vel cum spiritus sanctus visibili specie sive in columba sive in igneis linguis apparuit.
[5] Sed fateor excedere vires intentionis meae utrum angeli manente spiritali sui corporis qualitate per hanc occultius operantes assumant ex inferioribus elementis corpulentioribus quod sibi coaptatum quasi aliquam vestem mutent et vertant in quaslibet species corporales etiam ipsas veras sicut aqua vera in verum vinum conversa est a domino, an ipsa propria corpora sua transforment in quod voluerint accommodate ad id quod agunt. Sed quodlibet horum sit ad praesentem quaestionem non pertinet. Et quamvis haec quoniam homo sum nullo experimento possim comprehendere sicut angeli qui haec agunt, et magis ea norunt quam ego novi quatenus mutetur corpus meum in affectu voluntatis meae sive quod in me sive quod ex aliis expertus sum; quid horum tamen ex divinarum scripturarum auctoritatibus credam nunc non opus est dicere ne cogar probare et fiat sermo longior de re qua non indiget praesens quaestio.
[6] Illud nunc videndum est utrum angeli tunc agebant et illas corporum species apparentes oculis hominum et illas voces auribus insonantes cum ipsa sensibilis creatura ad nutum serviens conditoris in quod opus erat pro tempore, vertebatur sicut in libro sapientiae scriptum est: Creatura enim tibi factori deserviens extenditur in tormentum adversus iniustos, et lenior fit ad benefaciendum his, qui in te confidunt. Propter hoc et tunc in omnia se transfigurans omnium nutrici gratiae tuae deserviebat ad voluntatem horum quia te desiderabant. Pervenit enim potentia voluntatis dei per creaturam spiritalem usque ad effectus visibiles atque sensibiles creaturae corporalis. Ubi enim non operatur quod vult dei omnipotentis sapientia quae pertendit a fine usque ad finem fortiter et disponit omnia suaviter?
Traduction
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De la trinité
CHAPITRE PREMIER.
QUESTIONS A EXAMINER.
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J’aborde maintenant la seconde partie de ma division, et ici trois questions se présentent. Dieu a-t-il, dans ces diverses apparitions, formé tout exprès une créature pour se montrer aux hommes de la manière qu’il jugerait la meilleure? ou bien les anges qui existaient déjà, et que le Seigneur envoyait pour parler en son nom, choisissaient-ils parmi les créatures corporelles, celles qui convenaient le mieux à leur ministère? ou enfin ces mêmes esprits, usant de la puissance qu’ils ont reçue du Créateur, changeaient-ils leur propres corps, qu’ils plient et dirigent à leur gré, aux formes qu’ils croyaient les plus favorables à l’accomplissement de leur mission? Après avoir traité ces trois questions avec toute la lucidité que le Seigneu,r me permettra d’y apporter, je passerai à une quatrième que je m’étais déjà posée, à savoir si le Fils et le Saint-Esprit ont été envoyés par le Père antérieurement au mystère de l’Incarnation, et dans le cas de l’affirmative, en quoi cette première mission peut différer de celle que l’Evangile nous raconte. Ne vaut-il pas mieux, au contraire, soutenir que le Fils n’a été envoyé qu’en devenant le Fils de la Vierge Marie, et l’Esprit-Saint, qu’en se montrant sous la forme visible d’une colombe, ou d’un globe de feu?
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Mais j’avoue tout d’abord qu’il est au-dessus de mes forces et de mon intention de rechercher si les anges, tout en conservant les propriétés spirituelles de leur corps, peuvent secrètement s’adjoindre des éléments plus (389) grossiers et les adopter comme un vêtement extérieur. Dans cette hypothèse la forme qu’ils revêtiraient n’en serait pas moins vraie et réelle, de même qu’aux noces de Cana l’eau fut véritablement changée en vin. On peut aussi supposer qu’ils transforment eux-mêmes leur corps, et le changent à leur gré selon l’exigence de leur ministère. Au reste, quel que soit leur mode d’agir, cela ne fait rien à la question présente. Toutefois, parce que je ne suis qu’un simple mortel, je ne saurais pénétrer ces secrets dont les anges seuls ont l’intelligence. C’est ainsi encore qu’ils comprennent bien mieux que moi, comment l’affection de la volonté peut amener pour le corps les divers changements que j’ai observés en moi et dans les autres. Mais il est inutile de rechercher ici ce que I’Ecriture nous permet de croire sur ce sujet, car je m’embarrasserais dans une suite de discussions et de preuves qui m’écarteraient de mon but.
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Je me bornerai donc à examiner si les anges faisaient réellement mouvoir ces formes corporelles qui apparaissaient aux yeux, et s’ils articulaient les paroles qui étaient entendues. Dans cette hypothèse, la créature obéissant aux ordres du Créateur se serait prêtée aux diverses modifications que nécessitaient le temps et les circonstances, selon ce passage du livre de la Sagesse: « Seigneur, la créature qui vous obéit comme à son Créateur, s’irrite pour tourmenter les méchants, et s’apaise pour le bien de ceux qui se confient en vous. « Aussi la manne, prenant toutes les formes, obéissait-elle à votre grâce qui est la nourriture de tous, l’accommodant aux besoins de ceux qui vous témoignaient leur indigence ( Sag., XVI, 21, 25 ) ». Nous voyons par cet exemple comment la puissance de la volonté divine emploie une créature spirituelle, pour produire les effets visibles et sensibles des créatures corporelles. Et en effet quels obstacles arrêteraient l’action de la sagesse divine, puisqu’elle atteint avec force d’une extrémité à l’autre, et qu’elle dispose toutes choses avec douceur (Sag., VIII, 1 ).