XV.
Est-ce parce qu'il était un juif converti au christianisme, qu'il devait réfuter publiquement les Juifs qui s'obstinaient à résister à la foi chrétienne et à nier la divinité de Jésus-Christ? Et nous, au contraire, est-ce parce que nous n'avons jamais appartenu au Donatisme, que nous ne devons pas réfuter ceux des Donatistes qui s'obstinent à ne pas rentrer dans l'unité ? Mais est-ce que Paul fait jamais un adorateur des idoles ou un disciple des Epicuriens ou des Stoïciens? Cependant il n'hésite pas un instant à engager avec eux une discussion sur la question du Dieu vivant. Ecoutez encore ce que nous lisons à ce sujet dans le même livre : « Pendant que Paul les attendait à Athènes, son esprit se sentait ému et comme irrité en lui-même en voyant que cette ville était si attachée à l'idolâtrie. Il parlait donc dans la synagogue avec les Juifs et avec les prosélytes, et tous les jours, sur la place publique, avec ceux qu'il y rencontrait. Il y eut aussi quelques philosophes épicuriens et stoïciens qui conférèrent avec lui; et les uns s'écriaient. Que veut dire ce discoureur? les autres : Il semble qu'il prêche de nouveaux dieux étrangers ». Voilà donc l'apôtre saint Paul conférant avec les Epicuriens et les Stoïciens, qui ne s'entendaient ni entre eux, ni avec les autres, et qui n'étaient pas seulement en dehors de l'Eglise, mais même en dehors de la synagogue ; d'un autre côté, rien ne peut le réduire au silence, ni la diversité de leurs opinions, ni les injures qu'ils lui adressent. Mais écoutons la suite : « Enfin ils le prirent et le menèrent à l'aréopage, en disant : Pourrions-nous savoir de vous quelle est cette nouvelle doctrine que vous publiez ? Car vous nous dites certaines choses dont nous n'avons point encore entendu parler ; nous voudrions savoir ce que, c'est. Or, les Athéniens et les étrangers qui demeuraient à Athènes, ne passaient leur temps qu'à dire et à entendre dire quelque chose de nouveau. Paul étant donc au milieu de l'aréopage leur dit : Athéniens, il me semble qu'en toutes choses vous êtes religieux jusqu'à l'excès. Car, ayant regardé en passant les statues de vos dieux, j'ai trouvé un autel sur lequel il est écrit : Au Dieu inconnu. C'est donc ce Dieu que vous adorez sans le connaître que je vous annonce1 ». Il continue son discours, qu'il serait trop long de citer. Quant à ce qui concerne la question qui nous occupe, il vous suffit de remarquer que l'orateur est un hébreu, converti du judaïsme au christianisme, et prêchant, non pas dans une synagogue juive ni dans une église catholique, mais dans l'aréopage d'Athènes, c'est-à-dire avec ces Grecs, de tous les peuples le plus.chicaneur et le plus impie. N'est-ce pas dans les rangs de ce peuple que se trouvaient de ces philosophes qui, appartenant à toutes les sectes, surtout à celle des Stoïciens, argumentaient sans fin sur de pures questions de mots? Or, c'est là surtout ce que l'Apôtre défend à Timothée, en lui disant que ce genre de dispute ne sert à rien qu'à jeter le trouble et la confusion parmi les auditeurs2. C'est de ces ergoteurs que Cicéron a dit : « Les querelles de mots tourmentent vivement ces Grecs légers, qui se montrent plus avides de la chicane que de la vérité3 ». Et cependant ce sont ces mêmes hommes que l'Apôtre entreprend de corriger et de convertir; il n'est pas même effrayé par le lieu où il se trouve; car c'est dans cette enceinte consacrée à Mars, le dieu de la guerre, qu'il parle avec intrépidité, qu'il fait entendre des paroles pacifiques pour ceux qui veulent y adhérer, et que, fort de ses armes spirituelles, il entreprend de combattre les erreurs les plus pernicieuses. Malgré sa douceur, il ne redoutait nullement ces amis de la chicane; malgré sa simplicité, il ne craignait aucunement les subterfuges de leur dialectique.