XXXIV.
Ce n'est donc aucun motif raisonnable, mais bien plutôt de la fureur, qui a déterminé ces hommes, sous le vain prétexte de ne pas communiquer avec les méchants, à se séparer de l'unité de l'Eglise de Jésus-Christ; répandue sur toute la terre. Mais peut-être jouissent-ils de l'art admirable de distinguer les crimes les uns des autres, puisant les principes et les règles de cette distinction, non pas dans la sainte Ecriture, mais dans leur coeur, et s'autorisant de ces principes pour déclarer que dans l'unité de communion des sacrements on peut tolérer, sans en recevoir aucune souillure, les crimes des fidèles en général, tandis que le crime d'apostasie se communique à tous ceux qui participent aux sacrements avec un apostat. N'insistons pas davantage sur ce point, car nos adversaires eux-mêmes n'osent en parler que très-rarement, et sentent fort bien qu'ils marchent dans le champ des absurdités et ils en rougissent. Du reste, ils n'ont garde d'invoquer en leur faveur l'autorité de la révélation. Pour se justifier du crime de séparation et de schisme, et pour établir la solidarité de tous les pécheurs entre eux, ils ont souvent recours à des passages comme ceux-ci : « Vous voyiez le voleur et vous couriez avec lui1 ; n'ayez aucune communication avec les péchés des autres2; éloignez-vous, fuyez, et ne touchez pas à ce qui est impur3; celui qui aura touché ce qui est souillé, sera souillé lui-même4 ; un peu de levain corrompt toute la masse5 » ; et autres passages dans lesquels on ne voit aucune distinction à établir entre le crime d'apostasie et les autres crimes ; il n'y est question, en général, que de toute participation au péché. Toutefois, si l'interprétation qu'ils donnent de ces passages avait été suivie par saint Cyprien, ce dernier aurait rompu assurément toute communion avec Etienne. En effet, supposons que, comme ils le disent, les hérétiques et les schismatiques n'aient reçu aucun baptême, en les admettant dans l'Eglise, le pontife saint Etienne communiquait réellement avec les péchés d'autrui, puisque ces hérétiques, privés du baptême, restaient coupables de tous leurs péchés précédents. Cyprien devait donc renoncer à toute communion avec lui, dans la crainte de courir avec le voleur, de communiquer aux péchés d'autrui, de se souiller par le contact d'un homme impur, de se corrompre par le levain étranger. Or, telle ne fut pas sa conduite; et puisqu'il persévéra avec eux dans l'unité, ne devons-nous pas conclure que toute la masse d'unité fut corrompue, que l'Eglise cessa d'exister, loin de pouvoir enfanter plus tard Majorin et Donat, ces saints de la secte nouvelle? Puisqu'ils n'osent aller jusque-là et tirer la conclusion de leur principe, qu'ils changent ce principe et qu'ils disent, avec nous, que dans la communion des sacrements chrétiens, les bons peuvent être mêlés avec les méchants sans en recevoir aucune souillure, que l'Eglise de Jésus-Christ a persévéré jusqu'au temps de Cécilianus, non pas sans renfermer dans son sein des hommes pervers, ce qui n'aura lieu pour elle, que quand elle sera dans le séjour du père de famille, mais mêlé au mal comme le froment est mêlé à la paille, tant q n'il reste dans l'aire. Tel est l'état dans lequel elle a pu exister, dans lequel elle existe et existera toujours jusqu'à la grande purification qui se fera au jour suprême du jugement.