XXXVIII.
Ajoutons que c'est sous le pontificat de Melchiade que l'empereur Constantin fut saisi de la célèbre accusation intentée contre l'évêque de Carthage Cécilianus ; mais, sur l'ordre de l'empereur, l'affaire fut portée, par le proconsul Anulinus, au tribunal du souverain pontife qui prononça l'innocence de l'évêque. Ses ennemis, dignes ancêtres de nos adversaires, rappelèrent de ce jugement au tribunal de l'empereur, se plaignant que l'affaire n'avait pas été suffisamment examinée; ce qui étonne, c'est qu'ils n'ont parlé ni de l'apostasie de Melchiade, ni de l'encens offert par lui aux idoles. N'auraient-ils pas dû faire observer à l'empereur qu'il ne convenait pas de soumettre leur cause au jugement d'un pontife qui avait livré les manuscrits sacrés et offert de l'encens aux idoles ? Cependant ils ne soumirent cette observation ni avant le débat, ni au moment de leur pourvoi, alors même qu'ils devaient se sentir irrités de subir un jugement qui les condamnait en justifiant Cécilianus: Comment donc ne leur est-il pas venu à la pensée d'objecter ce qui fait aujourd'hui le thème favori des calomnies de nos adversaires? N'était-il pas facile de faire remarquer que l'innocence de Cécilianus devait être d'autant plus douteuse qu'elle était prononcée par un juge aussi indigne que Melchiade ? Pourquoi aussi ne pas incriminer l'Eglise romaine, au tribunal de laquelle ils n'avaient jamais pu faire condamner aucun de ceux qu'ils poursuivaient, malgré le soin qu'ils avaient pris de gagner les juges, de leur associer quelques-uns de leurs partisans, et de confier, par intérim, l'administration de certaines églises à des Africains vendus à leur cause, dont nous rougirions de prononcer le nom, et qu'ils ne parvinrent à nommer évêques qu'après avoir exercé sur la populace une criminelle et trompeuse influence ? En effet, à peine Cécilianus avait-il obtenu sa justification, qu'ils accusèrent auprès de l'empereur l'évêque Félix, lui reprochant d'être un apostat déclaré ; d'où il suivrait que Cécilianus ne pouvait être évêque, puisqu'il avait été ordonné par un apostat. Constantin crut qu'il y avait lieu de poursuivre cette accusation, quoiqu'il eût reconnu, dans l'affaire de Cécilianus, que ces mêmes accusateurs n'étaient que d'indignes calomniateurs. Il ordonna donc d'instruire la cause de Félix. Le proconsul Elianus la jugea en Afrique même, et Félix fut déclaré innocent. Nous avons encore les pièces de ce procès; ceux qui veulent en prendre connaissance, peuvent les lire. Quelle preuve évidente de l'innocence de Cécilianus et de Félix, et des infâmes calomnies de ceux qui, dans leur conciliabule, l'accusaient hautement d'être la source de tous les maux de cette époque. Mais une autre conclusion non moins logique et plus grave encore, c'est l'innocence et la justification du pontife Melchiade, accusé par eux des crimes les plus révoltants. Comment supposer, en effet, qu'un homme pousse la folie et l'absurdité jusqu'à croire qu'après avoir persécuté Félix, par qui Cécilianus avait été ordonné, ils auraient épargné Melchiade qui avait justifié ce dernier, si la renommée avait trouvé dans la vie de ce pontife, le plus léger motif d'une inculpation quelconque, lors même que dans sa conscience il eût été parfaitement innocent? Ou bien dira-t-on que ces accusateurs incriminaient ce qui avait été inventé dans un bourg africain, et qu'ils gardaient le silence sur ce qui s'était passé dans la capitale même de l'empire?