XV.
Texte de la lettre : « Quant à saint Émérite de Césarée, ce que vous en avez appris est le résultat d'une fausse renommée. Tout cela fût-il vrai, je redirais alors cette parole de l'Apôtre : Lors même que quelques-uns d'entre eux auraient abandonné la foi, est-ce que leur infidélité a détruit la foi divine ? Assurément non1 ». Réponse Je crois devoir. raconter d'Émérite de Césarée, ce que vous n'avez osé dire. C'est à tort que le bruit a couru qu'il s'est fait catholique rien de plus facile que de vous donner connaissance de tout ce qui s'est passé. Pourquoi donc voudriez-vous taire les éloges que mérite votre co-évêque, dont le nom vous est proposé comme modèle ? Si dans un moment aussi solennel, sa conduite a mérité quelques louanges, vous convient-il de les ensevelir dans le silence de l'oubli ? Vous ne voulez pas que nous disions que vous avez été jaloux des éloges qu'il a pu mériter; quel motif aviez-vous donc de les passer sous silence, si ce n'est parce que vous avez craint d'avoir à rougir de sa conduite ? Emérite se rendit donc à l'église où nous étions tous réunis. Il y vint pour le seul plaisir de nous voir et sans qu'il ait eu à subir aucune violence ni de persuasion ni de coaction. Après nous être rencontrés, nous entrâmes ensemble dans une église catholique, une foule immense s'y rendit également. Mais il ne put rien dire ni pour sa propre justification ni pour la vôtre, et cependant il refusa d'entrer dans l'unité; quoique fortement ébranlé il tint bon dans son erreur, quoique convaincu il garda le silence, quoique vaincu il se retira sain et sauf. Se pouvait-il une circonstance qui prouvât mieux notre douceur, qui rendît plus invincible la vérité catholique, qui fût plus propre à procurer votre conversion, si vous vouliez y réfléchir sérieusement ? Il est évident qu'en se rendant de lui-même au milieu de nous, il se proposait de parler en votre faveur, et par là même contre nous; si donc il a gardé le silence, c'est qu'il n'a rien trouvé à dire. Il avait certainement préparé ce qu'il devait dire, mais dans son infinie miséricorde, Dieu permit que la réfutation la plus péremptoire précédât les plus insidieuses objections. Direz-vous qu'il pouvait répondre, mais qu'il ne le voulut pas; alors lisez ce quia été dit en sa présence et répondez vous-même. Si Emérite eût embrassé le parti catholique, seul principe de la paix, vous diriez qu'il a été vaincu, non pas par .l'évidence de la vérité, mais par le poids accablant d'une persécution à laquelle il n'a pu résister. Si on l'eût amené chargé de chaînes à l'assemblée, vous diriez que s'il s'est tu, ce n'est pas qu'il n'eût rien à répondre, mais parce qu'il cherchait un moyen de recouvrer sa liberté. Si donc il s'est présenté de lui-même et en toute liberté, avouez que s'il lui a manqué quelque chose pour répondre, ce n'a pas été la langue, mais la possibilité de soutenir une cause aussi défectueuse; d'un autre côté, s'il a refusé d'entrer dans la communion de l'Église catholique, c'est que la confusion qu'il a ressentie, en blessant son orgueil, n'a fait que rendre son obstination plus profonde. Mais ce qui fut pour lui un supplice et une cause de ruine, a été pour d'autres un principe de retour et de salut. En effet , supposé qu'Émérite fût aujourd'hui en communion avec nous, on soupçonnerait qu'il a cédé à la frayeur ; tandis qu'en le voyant persévérer dans la secte de Donat, sans qu'il ait pu soulever la moindre objection contre l'unité catholique, on peut interpréter son silence comme étant un cri de réprobation contre ses propres sectaires. Disons-le encore, quand il se présenta librement devant nous avec un plein pouvoir de parler et de répondre, n'avait-il pas pour but de vous défendre et de nous attaquer? et c'est alors cependant qu'Émérite, cet ennemi déclaré de notre Eglise, se renferma dans un profond silence.
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Rom. III, 3. ↩