XXVI.
N'allez donc point vous illusionner jusqu'au point de croire que c'est à vous que s'appliquent ces paroles : « Il viendra un moment où ceux qui vous tueront, croiront rendre service à Dieu », ou, suivant votre version, « croiront offrir une victime au Seigneur ». Il est certain que ces paroles ne s'appliquent pas aux persécutions soulevées par les Gentils contre l'Eglise. En effet, c'était à leurs dieux aussi mensongers que nombreux, que les païens croyaient rendre service, tandis qu'il ne s'agit ici que du seul Dieu véritable. Dès lors, cette prophétie du Sauveur à ses disciples n'a pu recevoir son accomplissement que de la part des Juifs, qui firent mourir saint Etienne et une multitude d'autres, avec la persuasion que par là ils rendaient gloire à Dieu, au seul Dieu véritable, dont ils se flattaient de pratiquer le culte et la religion ; ou bien encore cette même prophétie adressée en général à tous les catholiques, se trouve accomplie par ces nombreux hérétiques , animés d'une fureur étrange, et qui partout où ils peuvent, quand ils peuvent, et comme ils peuvent, croient rendre service à Dieu en tuant les catholiques; elle est surtout accomplie par vous qui vous êtes fait en Afrique un nom si célèbre, précisément à cause de ces victimes par vous immolées. Si c'était de vous que le Seigneur eût parlé, vous ne vous tueriez pas vous-mêmes, mais vous attendriez que nous vous frappions nous-mêmes , s'il est vrai , comme vous le dites, que nous croyons rendre service à Dieu en vous immolant. Au contraire, quand vous hâtez l'instant de votre mort, afin de nous échapper, vous craignez de vivre et non d'être tués, vous rougissez de vous convertir, ou d'être convaincus de ce que vous faites. Peut-être auriez-vous la prétention de vous appliquer les deux parties du texte sacré, ce qui expliquerait parfaitement pourquoi, en vous tuant vous-mêmes, vous vous flattez de rendre service à Dieu et de prendre parmi vous les victimes à lui offrir ? Mais alors on doit aussi vous appliquer les dernières paroles de la prophétie, telles que vous les avez citées vous-même. En effet, le Seigneur ajoute immédiatement « S'ils en agissent ainsi à votre égard, c'est qu'ils ne connaissent ni mon Père ni moi1 ». Quand donc vous vous tuez vous-mêmes , avec la persuasion que vous rendez service à Dieu, vous ne connaissez pas le Père, vous ne l'entendez pas qui vous dit : « Fuyez».
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Jean, XVI, 2, 3. ↩