XIV.
Puisque c'est votre parole même qui a clos ce débat, au nom du Dieu de la religion, du Dieu de la vérité, je demande la cessation de vos erreurs. Mon frère, la véritable Eglise de Jésus-Christ, c'est celle qui en ce moment même se répand dans toute la terre, renfermant dans son sein des pécheurs et des justes, dont la séparation n'aura lieu qu'au jugement dernier. Je ne crois donc pouvoir mieux terminer qu'en vous adressant les paroles de ce témoin du nom catholique dont vous avez voulu invoquer pour vous-même le puissant témoignage : « C'est là cette Eglise qui, tout étincelante de lumière, projette ses rayons sur l'univers entier; c'est elle qui, douée d'une fécondité infinie, étend ses rameaux sur toute la face de la terre1. « Si donc il semble y avoir en elle de la zizanie , rien ne doit empêcher ni notre foi , ni notre charité; et surtout , parce que nous voyons de la zizanie dans l'Eglise , gardons-nous bien de nous séparer de l'Eglise. Travaillons de toutes nos forces à devenir nous-mêmes le froment, afin que, quand le froment sera renfermé dans les greniers du Seigneur, nous jouissions du fruit de nos travaux. L'Apôtre dit dans son Epître: Dans une grande maison, s'il y a des vases d'or et d'argent, il y en a aussi de bois et de terre; s'il y a des vases d'honneur, il y a aussi des vases d'ignominie2. Efforçons-nous donc de devenir des vases d'or et d'argent. Du reste, le droit de briser les vases de terre n'appartient qu'au Seigneur, qui porte dans sa main la verge de fer3. Le serviteur ne peut pas être plus grand que son maître; que personne ne s'attribue à soi-même la vengeance que le Père n'a accordée qu'à son Fils unique ; que personne donc n'aspire à purifier l'aire et à rejeter la paille ni à séparer la zizanie du froment. S'attribuer cette mission que peut seule expliquer une fureur dépravée, ne saurait être que l'effet d'une obstination orgueilleuse et d'une présomption sacrilège. Ceux donc qui s'attribuent un rôle que condamnent la douceur et la justice, cessent par le fait même d'appartenir à l'Eglise; plus ils s'élèvent avec insolence, aveuglés qu'ils sont par leur orgueil, plus la vérité leur refuse sa lumière4 ». Ces paroles ne sont pas de moi, mais du bienheureux Cyprien, qui est, pour le nom catholique, un des témoins les plus illustres , et dont cependant vous invoquez le témoignage au commencement de vos écrits, et que vous citez très-souvent dans vos ouvrages; je vais plus loin, et je dis que ces paroles sont les paroles mêmes de Dieu, formulées dans toute leur vérité et leur divinité par l'organe de saint Cyprien. Méditez-les donc, et avec le secours de l'infinie miséricorde du Sauveur, faites en sorte que nous pratiquions ensemble la charité catholique, que nous aimions ensemble la paix catholique, que nous croissions ensemble avec le froment, que nous tolérions ensemble la zizanie jusqu'à la fin, que nous vivions ensemble éternellement dans les greniers du Père de famille. Ne voyez-vous pas qu'en dehors de toute justification de Cécilianus et de tous ceux que vous accusez, l'Eglise catholique se soutient par sa propre force? Sans doute, la cause de Cécilianus a été pleinement résolue dans notre conférence; et quant aux autres que vous chargez de calomnies, leur accusation a été reconnue douteuse et leur condamnation injuste. Mais n'est-ce pas folie de prétendre confondre la cause de l'Eglise fondée sur l'autorité des promesses divines, avec celle de tels ou tels hommes? Fût-il évident que ces hommes sont coupables , il ne s'ensuivrait nullement que nous pouvons nous séparer des sacrements de l'Eglise, que nous devons laisser s'ébranler notre foi ou notre charité. Nous verrions alors la zizanie croître dans l'Eglise, mais sans que nous soyons autorisés à nous séparer de son sein. Si vous prenez la résolution de me répondre, ne sortez pas du sujet et ne vous livrez pas à des divagations inutiles. Pesez ce qui a été dit et répondez-y par une discussion sérieuse et non par des subterfuges mensongers. Quant à votre réponse d'une prolixité fatigante, si Dieu m'en fait la grâce et si je le juge nécessaire, je montrerai, dans un autre ouvrage, qu'elle a été pour votre cause d'une complète inutilité.
Traduction de M. l'abbé BURLERAUX.