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Il est vrai qu'on nous oppose ce texte « Celui qui est né de Dieu ne pèche pas et ne peut même pécher, parce que la semence de Dieu demeure en lui1 ». Cet oracle et ceux écrits ailleurs dans le même sens ont occasionné une bien grande erreur chez nos adversaires, parce qu'ils ne creusent pas assez les saintes Ecritures, et que, sur ce point en particulier, une remarque importante leur échappe.
En effet, pour devenir l'enfant de Dieu, il suffit de commencer à revêtir un . nouvel esprit, de commencer à être renouvelés dans l'homme intérieur selon l'image de celui qui vous a créés2. Ce n'est pas, néanmoins, que dès cette heure même où vous recevez le baptême, toute votre vieille infirmité ait disparu; non : la rémission de vos péchés ne fait, que commencer votre rénovation dans la mesure où chacun de vous applique son goût aux choses spirituelles, si déjà ce goût vous est possible. Quant aux effets complets de cette rénovation, ils sont aussi opérés en vous, mais seulement en espérance, jusqu'à ce qu'ils s'achèvent en réalité, c'est-à-dire jusqu'à ce que votre corps lui-même soit renouvelé et changé en cet état meilleur d'immortalité et d'incorruptibilité dont nous serons revêtus à la résurrection des morts.
Car ce que Jésus-Christ appelle régénération : ce n'est pas certes celle qui s'opère déjà dans le baptême ; mais bien celle où le principe qui commence à nous renouveler par l'esprit, achèvera son oeuvre sur le corps en le perfectionnant. « Dans la régénération », dit-il, « quand le Fils de l'homme se sera assis sur le trône de sa majesté, vous vous assiérez, vous aussi, sur douze trônes pour juger les douze tribus d'Israël3 ». — Ainsi, dans le baptême, il se fait sans doute une rémission pleine et entière des péchés; mais se fait-il aussi immédiatement un changement plein et entier de l'homme,, qui le renouvelle ainsi pour l'éternité? Est-ce bien là ce qui arrive, je ne dis pas dans le corps même, car il est évident qu'il lui reste toujours sa tendance vers l'antique corruption et vers la mort, et qu'il ne doit être renouvelé que plus tard, à la fin des temps, alors que la rénovation sera vraiment totale? répétons-le : sans parler du corps, est-ce bien là ce qui se fait dans l'âme même qui est l'homme intérieur? Ah ! si le baptême produisait en elle un renouvellement total, l'Apôtre ne dirait pas : « Bien que chez nous l'homme extérieur se corrompe, l'intérieur au contraire se renouvelle de jour en jour4 ». Evidemment, se renouveler ainsi de jour en jour, ce n'est pas avoir acquis déjà l'entière rénovation; et par suite, l'homme reste encore sous le vieil empire dans la mesure de ce qui n'est pas encore en lui renouvelé.
Concluez que, soumis encore en partie à leur vieil et premier état, quoique baptisés, les chrétiens sont encore, par cet endroit même, enfants du siècle. Mais en partie aussi leur état est nouveau; c'est-à-dire que, grâce à la pleine et parfaite rémission de leurs péchés, et dans a mesure aussi du goût qu'ils ont pour les choses spirituelles et du soin qu'ils prennent d'y conformer leur conduite, ils sont les enfants de Dieu. C'est, en effet, notre intérieur qui a dépouillé le vieil homme et revêtu le nouveau, puisque, au baptême, nous déposons le mensonge, nous parlons le langage de la vérité, nous faisons enfin tous les actes que l'Apôtre énumère pour expliquer ce que c'est que dépouiller le vieil homme et revêtir le nouveau, lequel a été créé selon Dieu dans une justice et une sainteté véritables5, saint Paul, bien que s'adressant à des baptisés, à des fidèles, les exhorte encore à se renouveler ainsi; et pourtant, il ne devrait pas les y engager, si cette rénovation était déjà, par le baptême, opérée parfaitement. Il faut donc entendre, d'une part, que cette rénovation s'y est opérée comme déjà nous avons trouvé le salut, « car Dieu nous a sauvés par le bain de la régénération6 ». Mais, d'autre part, dans quelle proportion cet heureux effet est-il produit? L'Apôtre nous l'apprend dans un autre endroit : « Ce ne sont pas seulement les autres hommes, c'est nous aussi, nous-mêmes qui avons pourtant les prémices de l'esprit; oui, nous aussi, nous gémissons en nous-mêmes, dans l'attente de l'adoption qui doit racheter notre corps. Car nous avons été sauvés en espérance. Or, l'espérance de choses qu'on voit n'est plus espérance : espère-t-on, en effet, ce dont on a déjà la vue? Mais Puisque nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, nous l'attendons par la patience7 ».