55.
Remarquez d'ailleurs que la chair primitivement créée ne fut point une chair de péché. Malheureusement l'homme ne voulut point, dans son corps innocent, conserver l'état de justice au milieu des délices du paradis. Aussi Dieu a-t-il décrété que la chair pécheresse, engendrée dès lors après ce péché d'Adam, luttât désormais par les travaux et les peines, afin de regagner la justice primordiale. Et c'est pourquoi encore, banni du paradis terrestre, Adam habita « à l'opposé de l'Eden », c'est-à-dire à l'opposé du séjour de délices : trait significatif de ces travaux, si opposés et si contraires aux délices, par lesquels la chair de péché doit refaire son éducation, puisqu'elle n'a pas su dans les délices garder l'obéissance avant de devenir une chair pécheresse. Voyez donc l'analogie : les premiers humains ont vécu ensuite dans la justice, et l'on croit avec raison qu'ils ont ainsi mérité d'être sauvés du supplice sans ressource, grâce au précieux sang de notre Seigneur ; cependant ils n'ont pas mérité d'être rappelés, dès cette vie même, dans le paradis terrestre ; ainsi, lors même qu'ayant reçu la rémission de nos péchés nous saurions vivre selon la justice dans cette chair de péché, ne concluez pas aussitôt que cette chair coupable mérite de ne point souffrir la mort, dont elle a puisé le germe avec le péché même de son origine.