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Aussi le bienheureux Cyprien a-t-il eu raison de prouver abondamment qu'en ce point l'Eglise observe une doctrine que dès le commencement on a crue et comprise en ce sens. On lui avait demandé s'il fallait baptiser les enfants avant le huitième jour, et il avait répondu que le nouveau-né, dès sa sortie du sein maternel, était capable de recevoir le baptême de Jésus-Christ; et, pour le prouver, il insista autant que possible à démontrer que ces petits enfants sont parfaits et complets, de peur que le souvenir de la circoncision, qui dans l'ancienne loi se donnait seulement le huitième joui, ne fît croire que certaine perfection leur manquât encore1. Mais tout en se faisant ainsi le puissant avocat de l'enfance, il se garda de la déclarer exempte du péché originel; parce que nier ce péché, c'eût été anéantir la raison même du baptême, pour la réception duquel il plaidait si bien leur cause. — Vous pouvez, cher Marcellin, lire vous-même la lettre de ce glorieux martyr au sujet du baptême des petits enfants, car cette pièce ne peut vous manquer à Carthage. Cependant, dans l'épître même que je vous adresse, je crois devoir en transcrire quelques lignes, autant qu'il semble suffire à la question actuelle. Remarquez sérieusement ce passage.
« J'arrive » dit-il, « à la question des enfants. Vous avez prétendu qu'on ne devait pas les baptiser dans le second ou le troisième jour qui suit leur naissance, et qu'on doit tenir compte de la loi si antique de la circoncision; il faudrait, selon vous, éviter de baptiser et de sanctifier le nouveau-né avant le huitième jour accompli; notre concile en a jugé tout autrement.
La pratique que vous croyez obligatoire en ceci, n'a rallié absolument personne ; au contraire, à l'unanimité nous avons décidé plutôt qu'il ne faut refuser à aucun homme venant en ce monde la miséricorde ni la grâce de Dieu. Le Seigneur lui-même disant en son Evangile : Le Fils de l'homme n'est pas venu pour perdre les âmes des hommes, mais pour les sauver2, autant qu'il est en nous, aucune âme, s'il est possible, ne doit être perdue ».
Remarquez-vous ses paroles, sa conviction? D'après lui, ce n'est pas la chair seulement, c' est l'âme de l'enfant qui trouve sa perte et sa ruine, si elle sort de cette vie sans avoir reçu ce sacrement du salut ! Quand même il s'arrêterait après cette affirmation, elle nous imposerait le devoir de comprendre qu'une âme ne peut pas périr, si elle n'a point de péché. Mais écoutez ce qu'il dit bientôt après et très-clairement sur ces mêmes enfants dont il plaide l'innocence au moment même
« D'ailleurs », continue-t-il, « si quelque obstacle pouvait empêcher q ne des hommes parvinssent à la grâce, ce serait plutôt les adultes, les hommes mûrs, les aînés de la famille humaine que devraient arrêter sur a cette voie du salut leurs péchés plus graves. Or, au contraire, les plus grands pécheurs, ceux qui auront d'abord offensé bien tristement notre Dieu, obtiennent la rémission de leurs péchés, quand ils embrassent la foi à la suite même de leurs crimes; et personne n'est exclu du baptême ni de la grâce. A combien plus forte raison n'en faut-il point priver l'enfant qui, nouvellement né, n'a point d'autre péché que d'avoir contracté dès son premier instant la contagion de la mort antique en vertu de sa naissance charnelle comme enfant d'Adam ? Il lui est donc d'autant plus facile, à lui, de se présenter pour recevoir la rémission des péchés, que ce sont des fautes étrangères et non les siennes personnelles qui sont alors effacées ».