17.
Ainsi peut-être, et par des comparaisons de ce genre, j'essaierais de convaincre les personnes qui croiraient inutile l'application du sacrement régénérateur aux enfants d'hommes régénérés déjà ; ainsi voudrais-je leur persuader qu'on a souverainement raison de baptiser les enfants mêmes des baptisés. Pourquoi? c'est qu'un père qui porte en son sein deux germes, l'un de mort dans la chair, l'autre d'immortalité dans son esprit, pourra certainement bien, parce qu'il est spirituellement régénéré, ne pas souffrir lui-même du mauvais principe, tandis que son fils en souffrira, parce qu'il est seulement engendré de la chair. Par suite il se pourra aussi que ce principe soit déjà purifié chez l'un par la rémission et la grâce, tandis qu'il reste à purifier encore dans l'autre par une rémission semblable, que j'ai comparée à la circoncision, à l'opération qui bat ou qui vanne le grain.
Mais, dans la question présente, nous avons affaire à des personnes qui avouent la nécessité de baptiser les enfants mêmes des baptisés. Combien donc serons-nous mieux fondés et plus sages à leur demander : Vous prétendez que des hommes purifiés de la tache du péché n'ont pu enfanter que des êtres exempts de péché; comment donc ne remarquez-vous pas que, pour la même raison, vous pourriez dire aussi que des parents chrétiens engendrent nécessairement des chrétiens ? Pourquoi donc, au contraire, pensez-vous qu'on doit les faire chrétiens ? Leurs parents n'auraient-ils pas été chrétiens selon le corps même, en dépit de la parole que saint Paul leur adresse : « Ignorez-vous que vos corps sont les membres de Jésus-Christ1? » Peut-être un corps chrétien sera-t-il sorti de deux autres corps également chrétiens; mais ce corps n'aurait pas reçu une âme chrétienne ? — Mais voici qui est plus étonnant. En effet, quelle que soit votre opinion sur l'origine de l'âme, vous croyez sans doute, avec l'Apôtre, qu'elle n'a pu faire aucun bien ni aucun mal avant de naître. Eh bien ! de deux choses l'une : ou l'âme est communiquée par transmission, et dès lors comme un corps est chrétien parce qu'il vient de deux chrétiens, l'âme aussi a dû naître chrétienne; ou bien l'âme est créée par Jésus-Christ, et par suite, destinée à un corps chrétien, ou même à cause de ce corps chrétien, elle a dû être chrétienne encore ou dans sa création ou à l'heure de son envoi sur la terre...., à moins que vous ne, prétendiez, par hasard, que des hommes ont pu, comme chrétiens, engendrer un corps chrétien, mais que Jésus-Christ lui-même n'a pas pu produire une âme chrétienne.
Ah ! plutôt, rendez-vous à l'évidence, et reconnaissez deux choses également possibles : L'une, et vous l'avouez déjà, c'est que des chrétiens n'enfantent pas un chrétien, ni des membres de Jésus-Christ un membre de Jésus-Christ ; c'est encore, et -nous le proclamons pour prévenir ici ceux qui se laissent prendre à une idée religieuse tout à fait fausse, bien qu'elle garde encore quelque respect pour la religion; c'est, dis-je, que de deux personnes consacrées à Dieu il ne naît point un consacré. Dès lors, une seconde possibilité aussi, c'est que de deux êtres purifiés il se peut qu'il: ne naisse point un enfant pur. Et pour rendre raison de cette vérité, que les chrétiens n'enfantent pas un chrétien, qu'alléguerez-vous enfin, sinon qu'un chrétien se fait, non par la génération, mais bien par la régénération? Acceptez donc aussi ce même raisonnement pour vous convaincre que personne n'est purifié des péchés par sa naissance première, mais que tous ont besoin de la renaissance pour devenir purs ; par suite, convenez que des hommes purifiés précisément en vertu de cette naissance nouvelle, donnent aussi le jour à un homme qui doit renaître afin d'être purifié. Car les parents ont pu transmettre à leurs descendants un germe qu'ils n'avaient plus eux-mêmes ; non pas seulement comme le pur froment produit encore la paille, et comme le prépuce se trouve dans les fils des circoncis ; mais même, et c'est vous qui le dites, comme les fidèles transmettent l'infidélité à leur descendance; et s'il ont encore ce vice d'une semence mortelle et coupable, ils ne l'ont plus à titre d'hommes régénérés par l'esprit, mais ils la gardent par le seul fait qu'eux-mêmes ont été engendrés par la chair. En effet, puisque vous jugez que les petits enfants doivent acquérir le caractère de fidèle par la vertu du sacrement des fidèles, vous avouez donc que les parents fidèles ont ici produit une race infidèle.
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I Cor. VI, 15. ↩