15.
Etudiez, en effet, plus attentivement encore ce que dit l'Apôtre, que plusieurs sont morts pour le péché d'un seul. Pourquoi accuse-t-il ainsi, comme cause de mort, le péché de ce seul homme, et non pas les péchés personnels à chacun, s'il veut nous faire entendre en ce passage une faute d'imitation et non de propagation? Remarquez encore ce qui suit : « Mais il n'en est pas du don de Dieu, comme il en a été du mal introduit par un seul pécheurs ; nous avons été justifiés de plusieurs péchés par la grâce, tandis que nous avons été condamnés pour un seul par le jugement ».1 Qu'on trouve dans ce passage une place à ce prétendu péché par imitation. « Condamnés pour un seul » : qu'entendre ici par un seul, sinon par un seul péché ? L'Apôtre l'indique clairement, puisqu'il. dit que nous avons été justifiés de plusieurs péchés par la grâce. Mais pourquoi cette antithèse d'un jugement qui nous condamne pour un seul péché, et d'une grâce qui nous justifie pour plusieurs péchés? Supposé que le péché originel n'existe pas, n'est-il pas évident que l'objet de la justification par la grâce sera un certain nombre de péchés, et que ce même nombre devra être aussi le sujet de notre condamnation par le jugement ? Car si la grâce pardonne ainsi plusieurs péchés, on ne peut pas supposer que le jugement ne condamne aussi plusieurs péchés. Condamnés pour un seul péché : l'entendez-vous en ce sens que tous les péchés condamnés d'ailleurs ont été commis par imitation de ce péché unique, qui pour cela est seul censé nous faire condamner? Mais la même raison devrait nous faire admettre que la justification non plus ne tombe que sur un.seul péché, puisque tous ceux qui sont effacés dans les âmes des fidèles n'auraient été commis que par l'imitation de cet unique péché ! Or, telle n'était pas, sans doute, la pensée de saint Paul, quand il disait : « Condamnés par le jugement divin pour un seul péché, nous sommes justifiés au contraire, par sa grâce, de plusieurs péchés ».
Ah ! bien plutôt comprenons le grand Apôtre, et soyons convaincus que s'il nous déclare ainsi jugés et condamnés pour un seul péché, c'est qu'il suffirait du péché originel, même s'il était seul, pour condamner le genre humain. Certes, une condamnation plus sévère atteint ceux qui ont ajouté leurs fautes personnelles au péché de leur origine ; elle frappe plus grave et plus forte sur chacun, en proportion de la gravité de leurs propres iniquités ; et cependant le mal contracté dans notre origine même suffit à lui seul pour séparer du royaume de Dieu ; et, nos adversaires eux-mêmes l'avouent, les petits enfants mêmes ne peuvent y entrer s'ils meurent sans avoir reçu la grâce de Jésus-Christ. Il y a plus : une telle mort les exclut du salut et de la vie éternelle, qu'on ne peut concevoir comme différente de ce royaume même de Dieu, dans lequel, on n'est introduit que par l'union intime à Jésus-Christ.
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Saint Augustin a lu : Per unum peccantem; nous lisons actuellement : Per unum peccatum. De même la construction latine: Nam judicium EX UNO in condemnationem, gratia autem ex multis delictis in justifcationem, rend incertain le sens de ex uno, ou plutôt prête à un double sens, que nous avons tâché de conserver en renversant la construction française. ↩