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Ainsi, Nicodème ne comprenant pas le langage du Seigneur, lui demande comment ces choses peuvent s'accomplir. Voyons ce que le Seigneur lui répond. Voici bien, en effet, la question posée : « Comment cela se peut-il faire? » Et si c'est bien à cette question que le Seigneur daigne répondre, il nous apprendra par là même précisément comment peut s'opérer là régénération par l'Esprit de tout homme que produit au monde la génération par la chair.
Le Seigneur commence par signaler en passant l'ignorance de ce docteur qui se préférait aux autres hommes à raison de ses fonctions magistrales, et par blâmer tous les hommes de cette espèce, dont l'incrédulité se refusait à recevoir le témoignage de la vérité. Il ajoute qu'ils ne l'ont point cru, alors même que ses discours ne traitaient que des choses de la terre, et demande ou s'étonne comment ils croiront les choses du ciel.
Il poursuit toutefois et fait une réponse que d'autres croiront, si eux-mêmes se refusent à la croire. On lui a demandé : « Comment cela se peut il faire ? » — «Personne », dit-il, «n'est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, à savoir le Fils de l'homme qui est dans le ciel ».Jésus l'affirme donc: la génération par l'Esprit s'accomplira de telle sorte que de terrestres les hommes deviendront célestes; et cet état, ils ne pourront l'acquérir s'ils ne deviennent ses membres, de sorte que, même en eux, celui-là seul monte qui est descendu; car « personne ne monte sinon celui qui est descendu ». Il le faut donc indispensablement : ceux qui doivent être changés et grandis en Jésus-Christ, doivent d'abord concourir avec lui en l'unité de son corps; car il faut que Jésus-Christ, qui est descendu, remonte lui-même ; or, il ne met aucune différence entre lui et son corps; et ce corps, c'est l'Eglise ; parce qu'on entend de Jésus-Christ et de son Eglise, plus véritablement encore que de toute alliance, le texte : « Ils seront deux en une seule chair1 », maxime que Jésus a reproduite sur le même sujet en ces termes : « Ils ne sont donc plus deux, mais une seule chair2 »: Ainsi, sans cette unité avec le corps de Jésus-Christ, nul homme absolument ne pourra monter au ciel, puisque « personne ne monte au ciel, si ce n'est celui qui est descendu du ciel, ce Fils de l’homme qui est au ciel ».
Observons, en effet, que notre Sauveur, qui s'est fait sur la terre Fils de l'homme, reste en même temps au ciel dans cette divinité avec laquelle il descend ici-bas ; et cependant il ne croit pas déshonorer cette divinité en la désignant sous le nom de Fils de l'homme; comme aussi il a daigné honorer sa chair du nom de Fils de Dieu; et pourquoi ? c'est pour qu'en ces deux choses, on ne suppose pas deux Christs, dont l'un serait un Dieu et l'autre un homme, mais bien le même Christ, Dieu, et homme tout ensemble : Dieu, parce qu' « au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu » ; homme, parce que « le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous3 ». Ainsi, à cause de la distance qui sépare toujours la divinité de l’infirmité humaine, le Fils de Dieu gardait sa demeure au ciel, et le Fils de l'homme cheminait sur la terre; mais, à cause de l'unité de personne, par, laquelle l'une et l'autre substance ne sont ensemble qu'un seul Jésus-Christ, le Fils de Dieu aussi cheminait sur la terre, et le même, comme Fils de l'homme, habitait le ciel.
Ainsi, la foi de vérités plus incroyables nous conduit à celle de vérités plus faciles à croire. Admettez, en effet, que la substance divine, si fort éloignée de la nôtre, si incomparablement différente et plus sublime, ait bien pu, pour notre salut, revêtir à ce point l'humaine substance, qu'il n'y ait eu après cette union qu'une seule personne, et qu'ainsi le Fils de l'homme, tout en habitant ce bas monde par la faiblesse de sa chair, était toutefois identiquement ai! ciel par sa divinité qui s'était associé la chair : combien plus facilement vous croirez que d'autres hommes, ses saints et ses fidèles, deviennent un seul Christ avec l'Homme-Christ, de sorte que tous, par la grâce qu'il leur fait de se les unir ainsi, montent et s'élèvent sans doute, mais qu'en dernière analyse ce soit ainsi Jésus-Christ lui. même et lui seul qui monte au : ciel, comme il en est descendu? — Or; telle est aussi la doctrine de l'Apôtre : « Comme nous avons plusieurs membres dans notre corps unique, et comme tous les membres, bien que nombreux, de notre corps, ne font qu'un corps, néanmoins .tel est le Christ4 ». Il n'a pas dit : Ainsi en est-il des christs ou du corps de Jésus-Christ, ou des membres de Jésus-Christ; mais bien : « Tel est le Christ », appelant ainsi du nom unique de Jésus-Christ, et le chef et les membres.