28.
Vous nous dites encore que l'âme a reçoit sa forme du corps, et qu'elle s'étend et se développe dans la proportion même «du corps». Vous ne voyez donc pas que vous allez rendre monstrueuse l'âme d'un jeune homme ou d'un vieillard qui aurait perdu l'un de ses bras dans son enfance? « L'âme se contracte, dites-vous , dans la crainte que la main de l'âme ne soit coupée en même temps que la main du corps, et elle se condense et se resserre dans les autres parties du corps ». Par conséquent, ce bras de l'âme dont je parle, n'a pu, dans le bras d'un enfant, recevoir qu'une très-petite extension ; et cette extension, il la conservera telle, sans augmentation ni diminution, partout où il pourra lui-même se conserver; en perdant sa forme il a perdu par là même tout principe et tout moyen d'accroissement. Par conséquent, pour ce jeune homme ou pour ce vieillard qui a perdu une main dans son enfance, voici que son âme possède encore, il est vrai, ses deux mains, puisque celle qui était menacée du coup qui a frappé la main du corps s'est retirée à temps ; mais, de ces deux mains, l'une a l'étendue d'une main de jeune homme ou de vieillard, tandis que l'autre reste petite comme la main d'un enfant. Croyez-moi, ce n'est pas la forme du corps qui fait de telles mains, elles ne sont formées que par la difformité même de l'erreur. Du reste, vous ne me semblez pouvoir échapper à cette erreur qu'autant que, Dieu aidant, vous étudierez attentivement les rêves de ceux qui dorment, et qu'il vous sera donné de comprendre que ces apparitions ne sont que des ressemblances et non pas des corps véritables. Il est certain que toutes les images que nous nous formons des corps sont de la même nature que ces rêves; cependant, quant à ce qui regarde les morts, nous ne pouvons nous en faire une idée plus exacte qu'en voyant ce qui se passe dans les personnes endormies. En effet, ce n'est pas sans raison que la sainte Ecriture donne à la mort le nom significatif de sommeil1, car le sommeil est tout proche parent de la mort2.