26.
« Apprenez-le donc », dit-il, « car voici l'Apôtre qui vous l'enseigne ». Je l'apprendrai certainement si l'Apôtre me l'enseigne, puisque c'est Dieu même qui me parlera par l'Apôtre. S'adressant aux Athéniens, il enseigne hautement et à plusieurs reprises que c'est Dieu qui nous donne la vie et l'esprit ». Mais personne n'en doute. Mais », continue-t-il, « comprenez bien ce que dit l'Apôtre : C'est Dieu qui nous donne ; et non pas : C'est Dieu qui nous a donné; il suppose de la part de Dieu une action permanente et continuelle, et non pas une action passée et achevée. Ce qu'il donne sans interruption, il le donne toujours, comme existe toujours celui qui donne ». Telles sont les propres paroles de mon adversaire, telles que je les trouve dans son second livre. Vous pouvez déjà reconnaître l'espace qu'ira parcouru, depuis qu'il essaie d'affirmer ce qu'il ignore. Il a osé dire que, non-seulement aujourd'hui et pendant le siècle présent, mais pour un temps indéfini et sans aucune interruption, « Dieu donne les âmes à ceux qui naissent. Dieu donne toujours », dit-il, « comme existe toujours celui qui donne ». Comme je comprends clairement le langage de l'Apôtre, je me garderai bien de le nier; quant au langage que mon adversaire ose tenir, il doit comprendre qu'il est directement contraire à la foi chrétienne et conclure qu'il est tenu de se l'interdire à jamais. Lorsque sera venu le temps de la résurrection des morts, il ne se produira plus aucune naissance ; Dieu n'aura donc plus à créer de nouvelles âmes, mais à juger celles qu'il aura précédemment unies à leur corps. Dieu ne donne donc pas toujours, quoique celui qui donne existe toujours. D'un autre côté, quoique l'Apôtre se soit servi du présent et non pas du passé, il ne s'ensuit pas, quoi qu'en dise notre adversaire, que les âmes ne nous sont point données par voie de génération. En effet, lors même qu'elles nous seraient données de cette manière, elles le seraient toujours par Dieu. N'est-ce pas lui qui nous donne les membres du corps, les sens du corps, la forme du corps, la substance du corps, quoiqu'il nous donne tout cela par voie de génération ? Nous lisons dans l'Evangile : « Si Dieu revêt avec tant de soin l'herbe des champs, laquelle est aujourd'hui et ne sera pas demain1 ». Le texte ne dit pas; Dieu a revêtu, mais: revêt, pour indiquer non pas une action passée, mais une action présente; allons-nous en conclure que les lis ne naissent pas de toute semence de leur espèce? En disant de Dieu que c'est lui qui donne l'âme et l'esprit à l'homme, tant qu'il y a des hommes à créer, nous ôtons-nous le droit de dire que les âmes nous sont données par voie de génération? Je n'affirme pas qu'il en soit ainsi ni qu'il en soit autrement. Mais vous pouvez voir que pour affirmer ou pour nier on ne peut invoquer que des témoignages incertains et douteux. Il ne s'ensuit pas que je doive être comparé aux animaux sans raison; par cela même que je doute je mériterais plutôt d'être rangé parmi les hommes prudents, puisque je n'ai pas la témérité d'enseigner ce que j'ignore. De mon côté, je me garderai bien de répondre à une injure par une injure, et d'établir la même comparaison contre mon adversaire. J'aime mieux lui donner l'avertissement d'un père à son fils, et le prier d'avouer qu'il ignore ce qu'il ne sait pas, et de ne pas tenter d'enseigner ce qu'il n'a jamais appris. Autrement il mériterait d'être comparé, non pas aux animaux, mais à ces hommes dont l'Apôtre a dit: « Ils veulent se faire les docteurs de la loi et ils ne comprennent ni ce qu'ils disent ni ce qu'ils enseignent2».