5.
Faites vous-même l'épreuve de ce que je vous dis. Expirez l'air en soufflant, et voyez combien de temps vous pourriez vivre si l'air que vous perdez n'était point remplacé. Ou bien aspirez l'air par la respiration, et voyez quelles souffrances vous subiriez si vous ne pouviez le rejeter par l'expiration. Or, quand nous gonflons une outre, nous ne faisons qu'obéir aux lois de la vie en nous; sauf peut-être que nous aspirons l'air en plus grande quantité, afin que nous puissions en expirer davantage et abréger la durée des efforts plus ou moins pénibles que nous sommes obligés de faire pour remplir toute la capacité de l'outre. Comment donc pouvez-vous dire : «Nous ne subissons aucune diminution quand nous exhalons notre souffle; après en avoir émis suffisamment pour gonfler une outre, nous sentons parfaitement que ce souffle reste en nous avec toutes ses qualités, et dans toute son intégrité? » On voit, mon fils, que vous ne vous êtes pas rendu compte de ce qu'il vous fallait faire en gonflant une outre. Vous ne sentez donc pas que vous recevez aussitôt ce que vous perdez par l'insufflation? Il vous est très-facile d'en faire l'expérience, et je vous invite à tenter le gonflement d'une outre, plutôt que de gonfler votre langage et de séduire par des paroles aussi vaines que sonores, des auditeurs à qui vous devez offrir un enseignement substantiel et vrai. En pareille matière je ne vous renvoie à aucun autre maître qu'à vous-même. Lancez dans une outre votre souffle aussi abondant que possible, et aussitôt fermez votre bouche et comprimez vos narines, et alors vous constaterez la vérité de mes paroles. Bientôt vous éprouverez des angoisses intolérables; mais pourquoi ce besoin d'ouvrir la bouche et les narines, si en soufflant vous n'avez rien perdu ? Voyez quelle torture vous subissez, si vous ne remplacez aussitôt par l'aspiration l'air que vous avez expiré. Voyez quel détriment vous causerait cette insufflation, si la respiration ne venait pas y apporter remède. Si ce que vous dépensez pour gonfler l'outre ne vous était pas rendu, vous serait-il possible , non-seulement de continuer l'insufflation, mais même de conserver votre vie ?
