13.
Allez-vous donc vous rire de moi et me comparer aux animaux, parce que j'ai cité cette parole : «Nous ignorons ce qu'il nous faut demander? » Je tolérerais encore votre dédain. En effet, la prudence même nous dicte de nous préoccuper davantage de l'avenir que du passé, et de diriger nos prières, non pas vers ce que nous avons été, mais vers ce qui nous attend dans l'avenir; d'où il suit qu'il est bien plus honteux pour nous de ne point savoir ce que nous avons à demander, que d'ignorer notre origine. Toutefois, avant de me jeter la pierre, réveillez vos souvenirs, et rappelez-vous où vous avez lu ces paroles, car vos dédains pourraient bien tomber sur une personne qui vous est chère. En effet, c'est l'Apôtre des nations qui a lui-même prononcé ces paroles : «Nous ne savons ce qu'il nous faut demander ». Et cette parole, il la confirme par son exemple. N'était-ce pas, sans le savoir, contre l'utilité et la perfection de son salut qu'il demandait à Dieu de lui retirer l'aiguillon de la chair, qui ne lui avait été donné que pour le soustraire au danger de l'orgueil que lui faisait courir la grandeur de ses révélations? Et parce que le Seigneur l'aimait, il lui refusa la grâce qu'il ne demandait que par ignorance1. Toutefois, après avoir dit : «Nous ne savons ce qu'il nous faut demander à Dieu dans nos prières », le même Apôtre ajoute aussitôt : «Mais le Saint-Esprit prie pour nous par des gémissements ineffables. Et celui qui pénètre le fond des coeurs entend bien quel est le désir de l'Esprit, parce qu'il ne demande pour les saints que ce qui est selon Dieu2 », c'est-à-dire qu'il inspire aux saints les accents et les désirs de la prière. C'est ce même Esprit « que Dieu a envoyé dans nos coeurs, criant en nous : Abba, Père3 », et dans lequel nous crions : « Abba, Père4». Remarquez ces deux expressions: Nous avons reçu l'Esprit criant: «Abba, Père»; et dans cet Esprit nous crions: Abba, Père; on voit clairement que l'Apôtre voulait nous faire comprendre dans quel sens l'Esprit crie en nous, c'est-à-dire qu'il nous fait crier. Quand il lui plaira, que cet Esprit m'apprenne, s'il le croit utile pour moi, quelle est l'origine de mon âme, je ne veux sur ce point d'autre maître que l'Esprit divin qui scrute les profondeurs de la divinité, et je récuse l'enseignement d'un homme qui ne sait pas de quel souffle une outre se remplit. Cette ignorance de votre part ne m'autorise pas cependant à vous comparer aux animaux; car votre ignorance sur ce point était le fruit de l'inadvertance, et non pas d'une impossibilité réelle.