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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) De perfectione iustitiae hominis De la perfection de la justice de l'homme

CHAPITRE XI. TÉMOIGNAGE DE JOB.

23e Raisonnement.

L'auteur cite ensuite les témoignages que l'on oppose d'ordinaire aux Pélagiens; au lieu de les réfuter, il se contente d'insister de nouveau sur sa thèse et d'obscurcir la question. Voici comment il s'exprime : « Témoignages de l'Ecriture que l'on doit opposer à ceux qui se flattent de trouver dans les oracles sacrés les preuves suffisantes pour détruire le libre arbitre, ou la possibilité de ne pas pécher ». Ils ont coutume de nous objecter cette parole de Job : « Qui est exempt de péché? Personne, « pas même l'enfant qui n'est que depuis un jour sur la terre1 ». Puis il essaie de réfuter ce passage, par d'autres tirés du même livre, en particulier par ces paroles : « Quoique juste, et ne méritant aucun reproche, je suis devenu un objet de dérision2 ». Il ne veut pas comprendre qu'on peut donner le titre de juste à tout homme qui tend vers la perfection de la justice, de manière à s'en approcher autant qu'il lui est possible. Or nous ne nions pas que beaucoup ne soient parvenus à cet heureux état, dès cette vie, où nous ne vivons encore due de la foi.

24e Raisonnement.

Ce témoignage, du reste, ne fait que confirmer ces autres paroles du même patriarche: «Je suis près de subir mon jugement, et je sais que je serai trouvé juste3 ». C'est de ce jugement qu'il est dit ailleurs : « Il fera éclater votre justice comme la lumière, « il fera briller votre innocence comme le midi4 ». Enfin Job ne dit pas : Je suis au jugement, mais: «Je suis près du jugement». Si donc il entend parler non pas du jugement déjà porté sur chacune de ses actions, mais de celui qui l'attend après la mort, il est bien vrai de dire que dans ce dernier jugement seront proclamés justes tous ceux qui auront dit dans toute la sincérité de leur âme : « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». C'est précisément ce pardon qui rend les hommes justes; car ils se trouvent purifiés de leurs péchés après les avoir expiés par l'aumône.

De là cette parole du Sauveur : « Faites l'aumône, et par là vous expiez vos péchés5 ». Voici d'ailleurs ce qui sera dit aux justes avant d'entrer dans le royaume qui leur a été promis: « J'ai eu faim, et vous m'avez donné à manger, etc.6 ». Mais autre chose est d'être absolument sans péché sur la terre, comme l'a été le Fils de Dieu; autre chose est d'être justifié, comme l'ont été beaucoup , de justes dès cette vie. N'y a-t-il pas, même en ce monde, un genre de vie si parfait, qu'il ne mérite réellement aucun reproche ? Quel reproche adresser à,un homme qui ne veut de mal à personne, qui fait du bien selon son pouvoir , ne nourrit contre personne aucune pensée de vengeance et peut dire en toute sincérité : « Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés? » Et pourtant, malgré tout cela, il ne cesse de dire: « Pardonnez-nous comme nous pardonnons », ce qui prouve qu'il est loin de se regarder comme étant sans péché.

25e Raisonnement.

De là ces autres paroles de Job : « Et cependant mes mains étaient innocentes, et ma prière pure7 ». Sa prière était pure, parce que lui, qui pardonnait sincèrement, se croyait également obligé de demander pardon.

26e Raisonnement.

Job disait en parlant du Seigneur : « Il a multiplié mes plaies sans que je l'aie mérité8» ; il ne dit pas : Dieu m'a frappé sans motif, mais : « Il a multiplié mes plaies sans que je l'aie mérité ». En effet, la multiplicité de ses plaies était pour lui non point le châtiment d'une multitude de péchés, mais une épreuve à laquelle Dieu soumettait sa patience. Il confesse ailleurs qu'il n'est point sans péché, mais il avoue que ses fautes ne sont pas en proportion de ses épreuves9.

27e Raisonnement.

Job dit encore : « J'ai gardé les voies du Seigneur, je ne m'en suis pas détourné et je ne m'en détournerai pas10». En effet, que faut-il pour que l'on puisse dire que l'on a gardé les voies du Seigneur? Il suffit de les suivre sans s'écarter de manière à paraître les abandonner; quelquefois, sans doute, on se heurte et l'on chancelle, mais c'est toujours avancer que de diminuer le nombre de ses péchés, jusqu'à ce que l'on parvienne à être sans péché. Marcher vers la perfection, c'est donc garder les voies que le Seigneur nous a tracées. Quant à sortir des préceptes du Seigneur et y renoncer, c'est l'oeuvre propre des apostats, et non pas de celui qui, tout en se rendant coupable de péché, ne laisse pas de soutenir le combat contre ce même péché, jusqu'à ce qu'il parvienne à cet heureux état, où la mort vaincue ne pourra plus continuer la lutte.

Dans ce combat, nous sommes revêtus de bette justice qui nous fait vivre ici-bas delà foi, et qui nous sert en quelque sorte de cuirasse. Nous nous faisons également une sorte de jugement anticipé, en nous portant nos propres accusateurs et en nous reprochant à nous-mêmes nos propres péchés, selon cette parole des Proverbes : « Le juste lui-même se pose son propre accusateur dès le début de son discours11 ». De là aussi cette parole de Job: « La justice était mon vêtement, et je me suis entouré du jugement comme d'un manteau12 ». Ce manteau est plutôt un vête. ment de guerre qu'un vêtement de paix, car nous avons toujours à combattre la concupiscence, et ce n'est qu'après la destruction de la mort de notre dernier ennemi, que nous posséderons une justice complète et à l'abri de tout danger.

28e Raisonnement.

Job a prononcé cette autre parole Mon cœur ne m'accuse dans aucun jour de ma vie13 ». Or, notre cœur ne nous accuse dans aucun jour de cette vie, où nous vivons de la foi, si cette même foi, par laquelle nous croyons de cœur pour la justice, ne néglige pas de condamner notre péché. De là cette parole de l'Apôtre : « Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mal que je hais ; ». C'est un bien de ne pas convoiter, et ce bien est voulu par le juste qui vit de la foi14, et, cependant, il fait ce qu'il hait, puisqu'il convoite, quoiqu'il ne se rende pas l'esclave de ses convoitises15; il s'en rendrait véritablement l'esclave, s'il cédait, s'il consentait, s'il obéissait au désir du péché. Son cœur alors l'accuserait, car c'est lui-même qu'il blâmerait, et non plus seulement le péché qui habite dans ses membres.16

Tel homme empêche le péché de régner dans son corps mortel, il refuse de se rendre l'esclave de ses désirs, il ne veut point faire de ses membres des armes d'iniquité pour le péché17, et, cependant, le péché n'en est pas moins dans ses membres; mais il ne règne pas, parce que ses désirs éprouvent de la résistance. Dans cet état l'homme qui fait ce qu'il ne veut pas, c'est-à-dire qui convoite sans vouloir convoiter, se range du côté de la loi et reconnaît qu'elle est bonde. En effet, il veut ce que veut la loi, puisqu'il ne veut pas convoiter et que la- loi dit : « Vous ne convoiterez pas18 ». . Il consent donc à la loi, puisqu'il veut ce que veut la loi ; toutefois, il convoite encore parce qu'il n'est pas sans péché; mais cette convoitise n'est pas son oeuvre propre, elle est l'oeuvre du péché qui habite en lui. Voilà pourquoi son coeur ne l'accuse pas dans toute sa vie, c'est-à-dire dans sa foi, puisque le juste vit de la foi, et qu'ainsi la foi est bien toute sa vie. Il sait que le bien n'habite pas dans sa chair, et que cette chair est l'habitacle du péché, mais en lui refusant son consentement, il vit de la foi, par laquelle il invoque le Seigneur, et lui demande de venir à son aide, dans sa lutte contre le péché. Il prouve ainsi qu'il sent parfaitement qu'il lui appartient de vouloir, mais qu'il ne lui appartient pas de réaliser ce qu'il veut19.

Je dis réaliser, c'est-à-dire arriver à la perfection du bien. Car dès là qu'il ne consent pas au péché, il fait déjà le bien; en pardonnant à celui qui l'a offensé, il fait également le bien; en demandant pour lui-même le pardon de ses propres péchés, en déclarant qu'il pardonné sincèrement à ses ennemis, en demandant qu'il ne soit point induit en tentation, et qu'il soit délivré du mal"il fait encore le bien, et toutefois il ne peut arriver à la perfection du bien ; car cette heureuse perfection ne sera réalisée que quand la concupiscence elle-même sera détruite. Ce n'est donc pas l'homme lui-même que le coeur accuse, quand il accuse le péché qui habite dans ses membres, et qu'il n'a aucune infidélité à condamner:

En résumé, voici l'état dans lequel se trouve cet homme juste : Son coeur n'accuse pas sa vie, c'est-à-dire sa foi, et cependant il n'est nullement convaincu d'être sans péché. Tel est le témoignage que Job se rend à lui-même Aucun de mes péchés n'a pu vous échapper. Vous avez assemblé nos iniquités comme un faisceau, et vous avez observé ce que j'ai fait malgré moi20 ». Tel est donc le sens dans lequel on doit expliquer tous ces passages du livre de Job, cités par notre auteur, nous croyons l'avoir clairement prouvé. De son côté, il n'a pu se défendre contre l'énergie de ces autres paroles tirées du même livre Quel est celui qui est pur de tout péché? Personne, pas même l'enfant qui n'est que depuis un jour sur la terre ».


  1. Job, XIV, 4, selon les Septante.  ↩

  2. Id. XII, 4, selon les Sept .  ↩

  3. Id. XIII, 18, selon les Sept.  ↩

  4. Ps. XXXVI, 1. ↩

  5. Luc, XI, 41.  ↩

  6. Matth. XXV,25.  ↩

  7. Job, XVI, 18.  ↩

  8. Job, II, 17.  ↩

  9. Id. VI, 2, 3.  ↩

  10. Id. XXIII, 11. ↩

  11. Prov. XVIII, 17.  ↩

  12. Job, XXIX, 14.  ↩

  13. Id. XXVII, 6.  ↩

  14. Rom. VII, 15.  ↩

  15. Habac. II, 4.  ↩

  16. Eccli. XVIII, 30. ↩

  17. Rom. VI, 12,13.  ↩

  18. Exode, XX, 17.  ↩

  19. Rom. VII, 15-2l. ↩

  20. Job. XIV, 16, 17.  ↩

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