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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) De perfectione iustitiae hominis De la perfection de la justice de l'homme

CHAPITRE VIII. PREUVES TIRÉES DE LA SAINTE ÉCRITURE.

17e Raisonnement.

Il invoque ensuite les oracles divins en faveur de sa thèse ; quelle que soit son argumentation, nous devons en étudier la valeur. « Voici », dit-il, « des témoignages d'où résulte pour l'homme un précepte formel d'être sans péché ». Je réponds : Il ne s'agit pas de savoir si ce précepte existe, personne ne le met en question ; nous demandons uniquement si ce précepte certain petit être parfaitement accompli tant que notre âme est enchaînée à ce corps de mort, dans lequel la chair convoite contre l'esprit et l'esprit contre la chair, de telle sorte que nous ne faisons pas ce que nous voulons. Pour se délivrer de ce corps de mort, le trépas n'est pas toujours un moyen, c'est la grâce qui nous est conférée en cette vie, quand on travaille à en profiter en s'appliquant aux bonnes oeuvres. En effet, autre chose est de sortir de ce corps par lia mort naturelle réservée à tous, autre chose est d'être délivré de ce corps de mort, délivrance à laquelle les saints et les fidèles ne parviennent que par la grâce en Jésus-Christ Notre-Seigneur1. Après cette vie une grande récompense nous est réservée, mais ne l'obtiendront que ceux qui l'auront méritée. Pour arriver au rassasiement complet de la justice, il ne suffit pas de mourir, il faut que dès cette vie elle ait été pour nous l'objet de notre faim et de notre soif. Car bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu'ils seront rassasiés2 ».

18e Raisonnement.

Pendant que nous habitons dans ce corps nous sommes éloignés du Seigneur, et ce n'est que par la foi que nous marchons vers lui, et non par une vue claire et distincte3. De là cette parole : « Le juste vit de la foi4 ». Aussi, pendant le cours de votre pèlerinage, toute notre justice consiste à marcher vers cette perfection et cette plénitude de la justice, qui sera la charité pleine et parfaite , lorsque nous contemplerons les splendeurs divines. Tel est le but vers lequel nous tendons en châtiant notre corps et en le réduisant en servitude, en faisant des aumônes, en pardonnant les offenses commises contre nous, en faisant le bien joyeusement et de tout coeur, en recourant sans cesse à la prière, et en accomplissant tout cela dans la saine doctrine sur laquelle s'édifient la foi droite, l'espérance ferme et la charité pure.

Telle est la justice dont nous avons faim et soif, quand, pressés par cette faim et cette soif, nous courons vers la perfection et la plénitude de cette justice, afin qu'un jour nous en soyons rassasiés. De là cette parole du Sauveur dans l'Evangile : « Ne faites pas vos oeuvres de justice en présence des hommes et dans le but d'être vus par eux5 ». Afin de nous ôter la tentation d'assigner pour but à notre course la satisfaction de la gloire humaine, le Sauveur donne à la justice comme caractères essentiels ces trois choses : Le jeûne, l'aumône et la prière; le jeûne, c'est-à-dire les mortifications du corps, de quelque nature qu'elles soient; l'aumône, c'est-à-dire la générosité et la bienveillance, soit pour donner, soit pour pardonner; et enfin la prière, et dans ce mot sont renfermées toutes -les règles d'un saint désir. Par la mortification du corps, nous enchaînons cette concupiscence qui devrait , non-seulement être enchaînée, mais n'exister aucunement, comme elle n'existera nullement dans cette perfection de la justice de laquelle tout péché aura disparu. Et même dans l'usage des choses permises et licites, combien de fois n'apportons-nous pas de l'immodération? S'agit-il de la bienfaisance qui nous fait pourvoir aux besoins du prochain, combien de choses sont réellement nuisibles, quoique nous les croyions utiles; elles nuisent, ou bien par cela même qu'elles ne suffisent pas pour subvenir aux nécessités du prochain, ou bien parce qu'elles n'y subviennent que trop faiblement, et c'est ce qui engendre l'ennui, et l'ennui chasse cette joie dans laquelle le Seigneur aime celui qui donne6. Or, la concupiscence est toujours en proportion inverse de la perfection ; voilà pourquoi nous n'avons que trop de motifs de dire dans notre prière : « Pardonnez-nous nos offenses.comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Heureux encore si nous faisons ce que nous disons, c'est-à-dire si nous aimons nos ennemis ; et si tel ou tel, encore trop peu avancé dans les voies du Christ, n'a pas cet amour au degré nécessaire, qu'il se repente de sa faute, qu'il demande pardon, et qu'alors l'offensé lui pardonne du fond de son coeur, s'il veut que son Père céleste exauce sa prière.

19e Raisonnement.

Déposons tout esprit de chicane, et nous comprendrons que cette prière est pour nous un miroir, dans lequel nous contemplons la vie des justes, qui vivent de la foi, et courent dans la perfection, quoiqu'ils ne soient pas sans péché. De là ce cri : « Pardonnez-nous », parce qu'ils ne sont pas encore parvenus au terme de leur course. De là aussi ce mot de l'Apôtre : « Ce n'est pas que j'aie déjà reçu ce que j'espère ou que je sois déjà parfait, mais je poursuis ma course, pour tâcher d'atteindre où Jésus-Christ m'appelle en me prenant à son service. Non, mes frères, je ne pense point avoir encore atteint où je tends; mais tout ce que je fais maintenant, c'est qu'oubliant ce qui est derrière moi, et m'avançant vers ce qui est devant moi, je cours incessamment vers le terme de la carrière, pour remporter le prix de la félicité du ciel, à laquelle Dieu nous a appelés par Jésus-Christ. Tout ce que nous sommes donc de parfaits, soyons dans ce sentiment7 ». C'est-à-dire : nous tous qui courons parfaitement, sentons que nous ne sommes pas encore parfaits et faisons effort pour parvenir au terme vers lequel nous courons parfaitement. Quand viendra ce qui est parfait, ce qui est imparfait sera détruit, c'est-à-dire que nous serons consommés dans une admirable unité, puisque nous posséderons et contemplerons l'objet même de l'espérance et de la foi ; ce qui demeurera, ce sera la charité, la plus grande de ces trois vertus8. Seulement elle augmentera et deviendra parfaite, parce qu'elle verra ce qu'elle croyait et qu'elle possédera ce qu'elle espérait.

Dans cette plénitude de la charité sera parfaitement accompli ce précepte divin: « Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre coeur, de toute votre âme et de tout votre esprit9 ». Jusque-là il reste toujours en nous quelque chose de 1a concupiscence charnelle, et par là même quelque chose à enchaîner par la continence; ce qui prouve que Dieu n'est point encore aimé de toute notre âme. En effet la chair ne convoite pas sans l'âme, et si nous disons que la chair convoite, c'est parce que l'âme convoite charnellement. Le juste sera donc absolument sans péché, quand il n'y aura plus dans ses membres aucune loi répugnant à la loi de son esprit10; alors seulement il aimera Dieu de lotit son coeur, de toute son âme et de tout son esprit, et tel est le premier et le plus grand commandement11.

Pourquoi donc un précepte n'imposerait-il pas à l'homme cette perfection, quoique jamais elle n'ait été réalisée sur la terre? Peut-on courir prudemment, si l'on ignore le terme vers lequel on doit se diriger? Et comment ce terme nous sera-t-il connu, s'il ne nous est montré par aucun précepte ? Courons donc de manière à parvenir au blet. Tous ceux qui courent prudemment y parviendront : et ce n'est plus ici comme dans les jeux de théâtre où tous les athlètes s'élancent dans la carrière, mais où un seul reçoit la palme12. Courons en croyant, en espérant, en désirant; courons en châtiant notre corps, en versant des aumônes, en pardonnant à nos ennemis, en agissant joyeusement et de tout notre coeur et en demandant que mes forces soient aidées par la grâce. Ecoutons enfin les préceptes de la perfection , afin que nous ne négligions pas de courir vers la plénitude de la charité.


  1. Rom. VII, 24, 25.  ↩

  2. Matth. V, 9.  ↩

  3. II Cor. I, 6, 7.  ↩

  4. Habac. II, 4. ↩

  5. Matth. VI, 1.  ↩

  6. II Cor. II, 7. ↩

  7. Philipp. III, 12-15.  ↩

  8. I Cor. XIII, 10.  ↩

  9. Deut. VI, 5. ↩

  10. Rom. VII, 23.  ↩

  11. Matth. XXII, 37, 38.  ↩

  12. I Cor. IX, 24.  ↩

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