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Pourquoi donc l'Apôtre ajoute-t-il « J'ai soutenu le bon combat, j'ai consommé ma course, j'ai conservé la foi; pour le reste je n'ai plus qu'à attendre la couronne de la justice que le Seigneur, dans sa justice souveraine, me rendra au dernier jour1 ? » Pourquoi ces paroles, si les grâces sont accordées non pas à ceux qui en sont dignes, mais à ceux qui en sont indignes? Pour se permettre cette objection, il faut n'avoir pas réfléchi que la grâce seule peut nous aider à mériter la couronne; d'où il suit que cette grâce nous est donnée sans que nous l'ayons méritée. Saint Paul dit, il est vrai: «J'ai soutenu le bon combat » ; mais il dit également : « Grâces soient rendues à Dieu qui nous a donné la victoire par Notre-Seigneur Jésus-Christ2 ». Il nous dit, il est vrai; « J'ai consommé ma course » ; mais il dit également : « Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde3 ». Il nous dit : «J'ai conservé la foi » ; mais il dit également : « Je sais à qui je me suis confié, et je suis certain qu'il peut conserver mon dépôt jusqu'à ce jour4 ». Ce dépôt, c'est ce que l'Apôtre a confié à Dieu ; voilà pourquoi certains manuscrits, au lieu de depositum portent commendatum. Or, que confions-nous à Dieu, si ce n'est de nous conserver ce que nous lui demandons, c'est-à-dire les grâces dans lesquelles nous mettons notre confiance ? N'est-ce pas dans ce sens que le Seigneur, dit à Pierre : « J'ai prié pour toi, j'ai demandé que ta foi ne défaille jamais5 ? » Est-ce que le Sauveur ne demandait pas que Dieu lui conservât la foi, de crainte qu'elle ne vînt à succomber dans la tentation? Dès lors, bienheureux Paul, vous le grand prédicateur de la grâce, vous ne vous irriterez pas contre moi, si, empruntant le langage qui résume vos paroles et vos enseignements, je dis et proclame que la couronne est accordée aux mérites, mais que les mérites sont le don de Dieu.