6.
Julien cite ensuite ces autres paroles : « Si l'homme n'eût pas péché, jamais cette honteuse concupiscence, effrontément louée par ces novateurs téméraires, n'aurait existé; d'un autre côté, lors même que le péché n'aurait pas été commis, le mariage aurait existé ». II s'arrête là et n'ose citer ce qui suit : « Tout aurait été vie dans ce corps vivant, tandis que maintenant rien de semblable ne saurait se faire dans ce corps de mort ». Il pouvait ici terminer sa citation; mais, voulant la tronquer de quelque manière, il se sent saisi de crainte à la seule idée de ce passage de l'Apôtre : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur ». Avant le péché, ce n'était point un corps de mort que l'on voyait dans le paradis terrestre, mais un corps de vie, participant largement à la véritable vie qui y régnait, et pouvant créer des enfants, sans aucune des atteintes ode cette concupiscence charnelle qui préside aujourd'hui à la propagation de ce corps de mort. Pour mieux établir le contraste entre cette misère humaine et l'efficacité de la grâce divine, l'Apôtre avait dit un peu plus haut : « Je vois dans nos membres une autre loi qui répugne à la loi de mon esprit et qui me captive sous la loi du péché qui est dans mes membres ». C'est alors qu'il s'écrie : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur1 ». Or, dans le corps tel qu'il existait avant le péché, on ne trouvait assurément pas dans les membres cette autre loi qui répugne à la loi de notre esprit. Libre à nous, sans doute, de lui refuser le concours de notre volonté, de notre consentement, de nos membres eux-mêmes; mais toujours est-il que cette loi existe en nous et qu'elle sollicite notre esprit, malgré la résistance qu'il lui oppose. Ce conflit en lui-même n'est pas une cause de damnation, puisque l'iniquité n'est pas commise; mais il est toujours un malheur, puisqu'il rend toute paix impossible. Je me résume donc en disant que, pour donner à son écrit quelque apparence de réfutation, il n'a pas trouvé d'autre moyen possible que de briser l'enchaînement des propositions, en passant sous silence les propositions intermédiaires ; ou de les tronquer en en retranchant les prémisses et les preuves. Je crois avoir dit assez clairement dans quel but il a usé de ce stratagème.
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Rom. VII, 23, 25. ↩