10.
Si vous n'avez pas perdu le sens commun, veuillez me dire si le péché peut être un mal, et si ce peut être un bien de désirer le péché ? Dans la chair des vierges, cette concupiscence produit-elle autre chose que des désirs de péché ? Et n'est-ce pas en refusant d'y consentir qu' « ils soutiennent ces glorieux combats? » Il n'est pas jusqu'au désir même du mariage qui ne soit un mal dans cette profession de la continence. Que fait-elle donc là où tout ce qu'elle fait est un mal; à plus forte raison si elle est suivie du consentement et des oeuvres ? Que fait cette concupiscence là où elle ne convoite rien de bon ? Que fait la passion là où elle ne peut se passionner pour rien de bon ? Envisageons-la jusque dans les époux eux-mêmes ; admettons qu'ils pratiquent dans toute sa perfection la pudeur conjugale, même alors, s'ils font par elle quelque chose de bien, toutefois ils ne font rien à cause d'elle. Mais dans les vierges et les continents, que fait-elle, je vous prie ? que fait-elle en vous comme amie, quand vous poussez la folie jusqu'à l'approuver? qu'y fait-elle comme ennemie, quand vous l'appréciez comme elle le mérite ? que fait elle là où elle ne fait ni n'inspire rien de bien ? Que fait-elle dans ceux en qui toutes les convoitises qu'elle inspire sont mauvaises ? Que fait-elle en ceux qu'elle oblige à exercer contre elle une vigilance et un combat continuels ? Ne suffit-il pas qu'elle se glisse quelque part à l'improviste, voire même pendant le sommeil, pour que aussitôt le réveil on se répande en gémissements entrecoupés de ces paroles : « Comment donc mon âme a-t-elle été remplie d'illusions1 ? » Quand les sens endormis se livrent à certains rêves, comment les âmes les plus chastes se trouvent-elles atteintes de délectations mauvaises? Et si le Seigneur nous les imputait, qui donc pourrait vivre dans la chasteté ?
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Ps. XXXVII, 8. ↩