21.
Vous comprenez maintenant que les vertus se distinguent des vices, non pas précisément par leurs oeuvres, triais par la fin qu'elles veulent atteindre. L'oeuvre, c'est ce que l'on doit faire ; la fin, c'est le but pour lequel on agit. En soi, telle oeuvre peut paraître bonne, et cependant, si son auteur ne l'accomplit pas dans le but pour lequel il doit la faire, il se rend certainement coupable. Vous ne faites pas cette distinction essentielle; voilà pourquoi vous séparez l'oeuvre de sa fin, et vous faites de cette œuvre une vertu véritable, sans tenir aucun compte de sa fin. De là, ces absurdités dans lesquelles vous tombez, jusqu'à vous voir contraint d'appeler justice véritable, ce qui au fond n'est qu'une avarice déguisée. En effet, si vous n'envisagez que l'oeuvre en elle-même, vous verrez toujours la vertu de justice dans la simple abstention de prendre le bien d'autrui ; mais, si je demande pourquoi cette abstention, et qu'on me réponde que c'est pour éviter des procès, où l'on perdrait beaucoup plus d'argent, verrez-vous encore une oeuvre de justice véritable dans ce qui n'est réellement qu'une précaution de l'avarice? Telles furent, par exemple, les vertus qu'on donna comme suivantes à la volupté ; ces vertus, c'est tout naturel, ne devaient agir qu'en vue de satisfaire leur maîtresse. Concluons donc que la vertu véritable ne se trouve que dans celui qui agit en vue de Dieu, à qui nous adressons cette prière: « Dieu des vertus, Convertissez-nous1 ». Quant à ces vertus qui ont pour motif et pour but les délectations charnelles, les satisfactions ou les avantages temporels, on ne saurait les regarder comme des vertus véritables. Agir sans motif et sans but, ne suffit pas non plus pour une vertu réelle. Toute vertu véritable sert Dieu dans les hommes qui l'ont reçue de Dieu ; elle sert Dieu dans les anges qui l'ont également reçue de Dieu. D'un autre côté, telle oeuvre qui peut être bonne en elle-même, si elle n'est pas dirigée vers la fin que commande la véritable sagesse, devient coupable par sa fin même.
Ps. LXXIX, 3. ↩
