22.
On peut donc faire le bien et le faire mal. C'est une bonne oeuvre de courir au secours de quelqu'un, surtout d'un innocent ; mais si on le fait par amour de la gloire humaine, et non pas pour Dieu, tout en faisant le bien, on fait le mal; l'auteur d'une action peut-il être bon, s'il n'agit pas avec une volonté bonne? Or, une volonté peut-elle être bonne si elle cherche sa gloire, non pas en Dieu, mais dans les créatures ou en elle-même ? Le bien ne peut donc être le fruit de cette volonté, car l'arbre mauvais ne peut porter de bons fruits ; le bien qu'elle pourrait faire ne serait que le fruit de celui qui se sert des méchants pour faire le bien. Comment dès lors caractériser comme elle le mérite cette fausse opinion que vous formulez en ces termes : « Toutes les vertus sont des affections qui nous rendent bons fructueusement ou stérilement? » L'arbre bonne porte-t-il pas de bons fruits1? Or, notre Dieu, la bonté même, qui lance la cognée à la racine de l'arbre qui ne porte pas de bons fruits, se garde bien de couper et de jeter au feu les arbres bons2. Il n'est donc pas possible que des hommes soient stérilement bons ; quant à ceux qui sont mauvais, les uns peuvent l'être plus et les autres moins.