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Du reste, que ce soit cette raison, ou tout autre que je ne connais pas, il est une chose certaine, c'est que, sous le poids de ce corps corruptible, quel que soit le degré de perfection où nous puissions atteindre, « si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est point en nous1 ». Voilà pourquoi, au grand scandale de votre orgueil, la sainte Eglise, comme pour mieux apparaître sans tache et sans souillure aux yeux de tous ses membres2, ne cesse de dire à Dieu : « Pardonnez-nous nos offenses ». Vous, au contraire, plein d'arrogance et de présomption dans votre vertu, vous vous écriez : « Tout homme qui a du zèle pour sa sainteté peut très-facilement vivre sans péché, avec le secours que Dieu lui accorde ». De telles paroles ne sont pas comprises de ceux qui ne sont pas initiés à vos dogmes. En effet, vous prétendez que le zèle de la sainteté se forma dans la volonté de l'homme, sans aucun secours antérieur de la part de Dieu, et que ce secours ne lui est accordé que comme récompense, et par là même n'est nullement gratuit. Vous en concluez que, dans cette vie de peines et de labeurs, l'homme, peut vivre- exempt de péché et sans aucun besoin de dire : « Pardonnez-nous nos offenses ». Pourtant cette affirmation paraît, de votre part, empreinte d'une certaine timidité, car vous n'osez dire qu'il puisse être absolument exempt de tout péché. D'un autre côté, vous ne dites pas non plus qu'il ne serait exempt que de certains péchés ; mais, comme si vous rougissiez de votre présomption, vous tempérez votre proposition, comme si vous vouliez qu'elle pût être soutenue et par vous et par nous. Si nous consultons les Pélagiens, ils nous répondent que l'on ne met pas de restrictions, parce que l'homme peut vivre exempt de tout péché, quel qu'il soit; au contraire, s'il s'agit des catholiques, on répond qu'il ne s'agit pas de tous les péchés sans exception, car l'homme a toujours besoin d'implorer son pardon pour quelques péchés. Quoi qu'il en soit, nous connaissons parfaitement votre opinion, mais nous ne pouvons préciser le sens que vous donnez à vos paroles.
