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Vous citez ensuite tout au long les paroles de l'Apôtre : « Les membres du corps qui paraissent les plus faibles sont, au contraire, les plus nécessaires ; nous honorons même davantage les parties du corps qui paraissent les moins honorables, et nous couvrons avec plus de soins et d'honnêteté celles qui sont les moins honnêtes. Car celles qui sont honnêtes n'en ont pas besoin, mais Dieu a mis un tel ordre dans tout le corps, qu'on honore davantage ce qui est moins honorable de soi-même, afin qu'il n'y ait point de division dans le corps, et que tous les membres conspirent mutuellement à s'entr'aider les uns les autres1 ». Après cette citation, prenant les accents du triomphe vous vous écriez : « Voilà le véritable interprète de l'oeuvre de Dieu ; voilà le fidèle prédicateur de la sagesse. Nous honorons davantage », dit-il, « les parties du corps qui sont les moins honorables ». Une seule parole résume donc à vos yeux toute la question entre nous débattue, c'est celle-ci : « Les parties les moins honorables ». Si vous aviez lu les « parties déshonnêtes », jamais vous n'auriez osé citer ce passage. En effet, Dieu lui-même, surtout avant le péché, aurait-il créé quelque chose de déshonnête dans les membres du corps humain ? Sachez donc enfin ce que vous ignorez encore, parce que vous n'avez pas voulu l'apprendre. L'Apôtre s'est réellement servi du mot : « Membres déshonnêtes », mais quelques traducteurs, comme celui que vous citez, se sont servis de l'expression mitigée, « membres plus dignes de respect » ; pour vous en convaincre, il vous suffit de consulter le manuscrit auquel vous avez emprunté ce passage. En effet, le mot grec que vous traduisez par plus dignes de respect (verecundiora), veut simplement dire déshonnêtes (asxemona) ; de même là où vous voyez une plus grande « honnêteté », le texte porte simplement « honnêteté» (eusxemosunen). Le latin a donc pu traduire asxemona par « les membres déshonnêtes ». Quant à ces mots: « Celles qui sont honnêtes », ils sont la traduction du grec eusxemona ; ce qui ne permet pas de douter que eusxemona signifie « déshonnêtes ». D'un autre côté, sans même interroger le texte grec, ne pouviez-vous conclure que les membres qui ont besoin d'une plus grande honnêteté sont les membres déshonnêtes, tandis que ceux qui sont honnêtes n'ont pas besoin d'être honorés ? Si donc ceux qui sont honnêtes n'ont pas besoin « d'honnêteté », comment ne pas conclure que, s'il en est qui en ont besoin, c'est qu'ils sont déshonnêtes? C'est pour donner à ces membres un cachet d'honnêteté qu'on les couvre du voile de la pudeur. Leur honnêteté, leur honneur, ils les doivent à ce voile qui est d'autant plus épais qu'ils sont plus déshonnêtes. Or, je le demande: l'Apôtre eût-il ainsi parlé, s'il avait eu à décrire le corps humain tel qu'il était, quand nos premiers parents étaient nus et ne rougissaient nullement de leur nudité?
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I Cor. XII, 12, 22-25. ↩