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Vous demandez : « Pourquoi donc, en entendant la voix de Dieu marchant dans le paradis terrestre, Adam et Eve se sont-ils cachés1 ? comment dire qu'ils rougissaient de leur nudité, puisque déjà cette nudité a disparaissait sous un feuillage suffisant ? » Ne parlez-vous pas sans savoir ce que vous dites? ne comprenez-vous pas que s'ils se précipitèrent dans les profondeurs de la forêt, c'est parce qu'ils frémissaient dans leur coeur à la pensée de se trouver en présence du Seigneur ? Quant à la ceinture qu'ils avaient tressée pour leur corps, elle leur avait été inspirée par le mouvement honteux qu'ils ressentaient dans leurs membres. Précédemment, malgré leur nudité, ils ne rougissaient pas ; c'est donc la confusion qui les a contraints de se couvrir. Or, la confusion n'est inspirée que par ce qui est déshonnête. Voilà pourquoi il est dit : « Ils étaient nus, et ils ne rougissaient pas2 », pour nous prouver que la confusion ne leur est venue qu'ultérieurement. D'un autre côté, pour excuser sa fuite et sa disparition au sein de la forêt, Adam s'écrie : « J'ai entendu votre voix, mais j'ai craint, parce que je suis nu ». Il se cache, c'est la preuve de sa confusion manifeste ; il craint, c'est le cri intérieur de sa conscience qui lui reproche la faute qui a causé sa confusion ; là, c'est de la honte ; ici, c'est de la crainte; là, une honteuse concupiscence; ici, une conscience coupable ; et avec cela une indicible folie qui lui laissait croire qu'en cachant son corps, il pourrait échapper à celui qui sondait jusqu'aux profondeurs de son âme. Mais écoulons le langage du Seigneur: « Qui donc vous a appris que vous êtes nu? n'est-ce point parce que vous avez mangé du fruit dont je vous avais défendu de manger3 ? » C'est la manducation du fruit défendu qui découvre à l'homme sa nudité n'est-ce pas dire clairement que le péché a dépouillé ce qui était caché sous le voile de la grâce ? Qu'elle était grande cette grâce, sous l'action de laquelle un corps terrestre et animal n'éprouvait aucune passion bestiale ! Ainsi donc, celui qui, sous le vêtement de la grâce, ne voyait dans son corps quoi que ce fût qui pût le faire rougir, sentit aussitôt ce qu'il devait cacher, dès qu'il se vit dépouillé du manteau de la grâce.
