4.
Vous nous opposez la multitude des ignorants, ou, comme vous les appelez, «des simples qui, livrés à d'autres travaux, sont privés de toute instruction proprement dite; n’appartiennent à l'Eglise de Jésus-Christ que par la foi; trouvent dans cette foi l'appui nécessaire pour ne trembler devant l'obscurité d'aucune question; croient que Dieu est vraiment le créateur des hommes, qu'il est bon, vrai et juste; ont sur la Trinité des convictions tellement inébranlables qu'ils embrassent et approuvent tous les enseignements conformes à cette doctrine; ne se laissent ébranler par aucun raisonnement, et repoussent toute autorité, toute société qui «formulerait des idées contraires à leurs convictions ». Pour peu que vous vouliez peser sérieusement votre langage, vous comprendrez facilement que vous rendez vous-même ces hommes simples inébranlables à toutes vos attaques. C'est là vraiment la raison pour laquelle votre nouvelle hérésie soulève toutes les répulsions de la multitude de ces chrétiens que vous provoquez sans cesse à venir chercher le remède à leur ignorance dans les enseignements de ces quelques. sectaires que vous voudriez faire passer pour les plus prudents et les plus savants des mortels. Ces chrétiens, prétendus si simples, voient en Dieu le créateur des hommes et la justice même; quant aux douleurs de toute sorte qu'ils voient peser sur leurs enfants, ils comprennent parfaitement que, sous l'empire d'un Dieu juste et bon, ces douleurs prouvent nécessairement, l'existence du péché originel. Je suppose que l'un de ces chrétiens vous présente son fils aussitôt après sa naissance, vous appelle dans un lieu secret, et de sa voix la plus calme vous interpelle et vous dise : Je jouis de l'esprit, de l'intelligence et de la raison dont je suis doué, par ma ressemblance avec Dieu; or, j'ai pour le royaume de Dieu un amour tel que je regarde comme le plus grand châtiment pour l'homme celui de ne pouvoir jamais entrer dans ce royaume. Vous qui appartenez, non pas à la foule des ignorants, mais au petit nombre des sages; vous qui, à ce titre, aimez aussi ce royaume; et qui l'aimez d'autant plus que cet amour est sans cesse alimenté par le petit nombre de vos ardents sectaires, sans se refroidir jamais au contact d'une multitude indifférente, que répondrez-vous à cet homme? lui direz-vous : La privation du royaume de Dieu, non-seulement n'est pas un grand châtiment, mais n'est pas même une peine pour une créature faite à l'image de Dieu? Il me semble que vous n'oseriez tenir un semblable langage à un homme, quel qu'il fût, lors même que vous. n'auriez à redouter de sa part ni violence, ni réplique. Soit que vous répondiez, soit que par un sentiment de pudeur, non, seulement chrétienne, mais purement humaine, vous gardiez le silence, il pourrait présenter son fils à vos yeux et vous dire.: Dieu est juste ; quel mal peut donc empêcher cette innocente image de Dieu d'entrer dans le royaume éternel, si ce mal n'est pas le péché qui est entré dans le monde par un seul homme1 ? Quelle que soit votre sagesse, il me semble que sur ce point vous ne pourrez vous croire plus savant que ne l'est cet homme sans éducation; et pour peu que vous déposiez votre impudence, vous resterez plus enfant que cet enfant lui-même.
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Rom. V, 12. ↩