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En faut-il davantage pour convaincre de fausseté cette opinion aveugle et téméraire, par laquelle vous voudriez nous faire croire que cette concupiscence de la chair, par cela même que nous la disons un châtiment du péché, loin de mériter la réprobation, est au contraire véritablement digne d'éloges? Vous ajoutez: «Si la passion est le châtiment du péché, on doit rejeter toute pudeur, si l'on ne veut pas que la chasteté, se révoltant contre Dieu, paraisse démentir la sentence par lui formellement prononcée » ; vous continuez sur ce ton, et toujours pour vous montrer conséquent avec votre vanité d'hérétique. Mais une fois engagé dans cette erreur, vous pouvez appliquer ce raisonnement à l'aveuglement du coeur, et dire: Si l'aveuglement du cœur est le châtiment du péché, il faut rejeter l'instruction, si l'on ne veut pas que la lumière intellectuelle, se révoltant contre Dieu, paraisse démentir la sentence par lui formellement prononcée. Or, une telle conclusion serait des plus absurdes, quoique l'aveugle ment du cœur soit le châtiment du péché; par la même raison votre principe n'est qu'une évidente absurdité, quoique la passion, c'est-à-dire la désobéissance de la chair, soit le châtiment du péché. En effet, la science doit résister à l'aveuglement du coeur, et la continence à la passion ; quant à ce châtiment, qui n'est ni une erreur ni une passion, il ne reste qu'à le subir avec patience. C'est pourquoi, lorsque Dieu nous fait la grâce de vivre de la foi véritable, nous devons être certains que Dieu lui-même est là, illuminant notre intelligence, domptant la concupiscence, et nous aidant à supporter l'épreuve. C'est là ce qui se fait parfaitement, lorsque c'est pour Dieu qu'on le fait, c'est-à-dire lorsqu'on l'aime gratuitement, et cet amour ne peut venir que de lui-même. Au contraire, lorsque l'homme se complaît en soi-même, et se confie en sa propre vertu, s'il s'abandonne aux désirs de son orgueil, son malheur devient d'autant plus profond, que cet orgueil lui-même se pose en tyran plus absolu des autres passions, et semble vouloir les étouffer pour mieux se complaire dans son froid égoïsme.
