10.
Vous m'accusez d'avoir dit, dans quelques autres de mes ouvrages: «Il est certains péchés qui sont le châtiment direct d'autres péchés1 » : comme c'est en vain que vous tentez de réfuter cette proposition, laissez là toutes vos aspirations à la victoire, et vous comprendrez que ce n'est là que la conséquence rigoureuse de ce qui vient d'être, dit sur l'aveuglement du coeur. Dans quel but, dites-moi, avez-vous cité ce passage de l'Apôtre, dont je me suis servi pour prouver invinciblement ma proposition : «Dieu les a a livrés à leur sens réprouvé, afin qu'ils fassent ce qui est défendu ? » Ce langage vous parait une pure hyperbole, c'est-à-dire une de ces exagérations dont se servent certains orateurs pour produire dans les esprits une impression plus profonde. Vous allez même jusqu'à citer le passage où l'Apôtre en agit ainsi. «Fulminant », dites-vous, «contre les crimes des impies, il alla jusqu'à faire de ces crimes autant de châtiments, et pour a mieux montrer toute l'horreur qu'éprouvait son âme, siège de tant de vertus, il s'écrie que ces malheureux lui paraissent, non pas des coupables, mais de véritables réprouvés ». Vous vous trompez, volontairement peut-être, sur le sens de ses paroles, car ces impies lui paraissent tout à la fois condamnés et coupables, non-seulement coupables à cause des péchés passés pour lesquels ils sont condamnés, mais encore coupables par cela même qu'ils sont condamnés. En effet, il accuse leur culpabilité, quand il s'écrie : «Ils ont adoré et servi la créature de préférence au Créateur, qui est béni dans les siècles. Amen ». Prouvant ensuite qu'ils ont été condamnés pour cette faute, il ajoute: «Voilà pourquoi Dieu les a a livrés à des passions honteuses ». Remarquez cette expression : «Voilà pourquoi ». Quelle folie, dès lors, de demander dans quel sens on peut dire que Dieu les a livrés », et de suer sang et eau pour prouver qu’ «il les a livrés en les abandonnant ! » De quelque manière qu'il les ait livrés, toujours est-il que c'est pour cela qu'il les a livrés, qu'il les a abandonnés ; donnez à ces paroles l'interprétation qu'il vous plaira, vous n'en voyez pas moins toutes les conséquences de cet abandon. L'Apôtre voulait nous faire comprendre quel châtiment c'est pour un homme d'être livré à des passions honteuses, quel que soit du reste le mode, compréhensible ou incompréhensible, sous lequel s'opère cet abandon de la part d'un Dieu souverainement bon et ineffablement juste. «En effet », dit-il, «les a femmes parmi eux ont changé l'usage qui «est selon la nature, en un autre qui est contre la nature. Les hommes, de même, a rejetant l'union des deux sexes, qui est selon la nature, ont été embrasés d'un désir brutal les uns envers les autres, l'homme commettant avec l'homme des crimes infâmes et recevant ainsi en eux-mêmes la juste peine due à leur erreur ». Se peut-il un langage plus évident, plus clair, plus formel ? L'Apôtre dit de ces hommes qu'ils ont reçu leur récompense réciproque, que, s'ils ont accompli ces oeuvres criminelles, c'est par l'effet de leur condamnation, et que cette condamnation devient à son tour une affreuse culpabilité qui en entraîne beaucoup d'autres à sa suite. Par conséquent, ces oeuvres sont à la fois des péchés et le châtiment de péchés précédents. Ce qui m'étonne bien plus encore, c'est de lui entendre dire qu'il a fallu que ces malheureux reçussent leur récompense réciproque. Tel est également le sens des paroles précédentes que vous empruntez au même Apôtre: «Ils ont transféré l'honneur qui n'est dû qu'au Dieu incorruptible à l'image d'un homme corruptible, et à des figures d'oiseaux, de quadrupèdes et de serpents. C'est pourquoi Dieu les a livrés aux désirs de leur coeur, à l'impureté2 », et le reste. L'Apôtre nous désigne clairement la cause pour laquelle ils ont été livrés à eux-mêmes. Il révèle le crime qu'ils avaient commis précédemment, et ajoute : «Voilà pourquoi Dieu les livra aux désirs de leur cœur ». C'est donc là le châtiment d'un péché précédent; et ce châtiment, à son tour, n'est autre chose que le péché, comme la suite le démontre clairement.