13.
Vous vous écriez : «Quand nous lisons de certains hommes qu'ils ont été abandonnés à leur désir, nous devons entendre qu'ils ont lassé la patience de Dieu, mais non pas qu'ils aient été poussés au péché par sa puissance ». Que voulez-vous dire ? Prétendriez-vous que l'Apôtre n'a pas réuni en même temps, et dans le même texte, ces deux expressions : la patience et la puissance ? Ecoutez donc: «Qui peut se plaindre, si Dieu, voulant montrer sa colère et sa puissance, souffre avec une patience extrême les vases de colère préparés pour la perdition1? » Nous lisons ailleurs : «Et si le Prophète a erré et parlé, moi, le Seigneur, j'ai séduit ce prophète, j'appesantirai ma main sur lui, et je l'exterminerai du milieu de mon peuple d'Israël2 » ; de quoi s'agit-il ici, selon vous? est-ce de la patience ou de la puissance ? Qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre, ou de toutes deux à la fois, toujours est-il que le fait même de prophétiser le mensonge est tout ensemble un péché et le châtiment du péché. Direz-vous que ces mots : «Moi, le Seigneur, «j'ai séduit ce prophète », signifient : Je l'ai abandonné, afin que, séduit par ses propres mérites, il tombât dans l'erreur? Libre à vous; toutefois, il est certain qu'il a été puni de son péché, afin qu'il péchât en prophétisant le mensonge. Mais écoutez cette vision du prophète Michée : «Je vis le Seigneur assis sur son trône, et toute l'armée du ciel était debout à sa droite et à sa gauche. Et le Seigneur dit : Qui séduira Achab roi d'Israël, et il montera, et il tombera sur Ramoth Galaad ? Et l'un parla dans un sens, «et l'autre dans un autre. Et un esprit sortit, se tint en présence du Seigneur et dit : Je le séduirai. Et le Seigneur lui répondit: En quoi ? Il répliqua : J'irai et je serai l'esprit menteur dans la bouche de tous ses prophètes. Le Seigneur ajouta : Tu séduiras, et tu prévaudras ; va, et fais ainsi3 ». Que répondrez-vous à ce témoignage ? Vous avouerez du moins que le roi se rendit coupable, en croyant à ses faux prophètes. Mais cette crédulité était en même temps le châtiment du péché ; ainsi le voulait le Seigneur en envoyant son ange mauvais ; et par, là nous comprenons plus facilement comment le Psalmiste a pu dire que Dieu envoya la colère de son indignation par les mauvais anges4 . Dieu toutefois s'est-il trompé alors ? a-t-il jugé ou agi soit témérairement soit injustement ? Loin de nous cette idée ! Ce n'est pas sans raison que dans le même livre il est écrit : « Vos jugements sont un abîme profond5 ». Ce n'est donc pas en vain que l'Apôtre s'écrie: « O profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont incompréhensibles et ses voies impénétrables ! Car, qui donc a connu les desseins de Dieu, ou qui est entré dans le secret de ses conseils? Ou qui lui a donné quelque chose le premier pour en prétendre récompense6 ? » Il n'a pas choisi celui qui était déjà digne de l'être; mais en le choisissant, il l'en a rendu digne; et cependant personne n'est puni sans l'avoir mérité.
