15.
Le Psalmiste s'écrie : «Ne me livrez pas, Seigneur, à mon désir criminel1 ». En entendant ce cri, quel insensé oserait.soutenir que David demandait à Dieu de n'user envers lui d'aucune patience ; et alors comment affirmer que «Dieu n'abandonne le pécheur au mal qu'il commet, qu'en usant envers lui, pendant son péché, d'une patience et d'une bonté sans bornes ? » En répétant chaque jour: «Ne nous induisez pas en tentation2», né demandons-nous pas à Dieu de ne pas nous abandonner à notre concupiscence ? En effet, chacun est tenté par sa propre concupiscence, qui l'emporte et l'entraîne dans le péché3 . Demandons-nous donc à Dieu que sa bonté ne soit pas patiente à notre égard ? Ce serait là, non pas invoquer sa miséricorde, mais bien plutôt provoquer son courroux. Un homme sensé concevrait-il de semblables idées ; et le plus furieux tiendrait-il un pareil langage ? Il est donc vrai de dire que- Dieu abandonne certains pécheurs aux passions de l'ignominie, sachant fort bien qu'ils se livreront au crime ; mais cet abandon est de sa part parfaitement légitime ; et les péchés qui en résultent deviennent tout à la fois le châtiment des péchés passés et un titre à de nouveaux supplices. C'est ainsi qu'il livra Achab au mensonge des faux prophètes, comme il livra Roboam à un conseil funeste4. Tout cela se fait d'une manière mystérieuse et ineffable, car Dieu sait réaliser ses justes jugements, non seulement dans le corps, mais encore dans le coeur des hommes. Ce n'est pas lui qui rend mauvaises les volontés humaines; mais, quoiqu'il ne puisse pas vouloir le mal, il sait se servir à son gré de ces volontés mauvaises. Il exauce dans sa miséricorde, et n'exauce pas dans sa colère; et réciproquement, il n'exauce pas dans sa miséricorde, et il exauce dans sa colère. Il épargne dans sa miséricorde, il n'épargne pas dans sa colère ; et réciproquement, il n'épargne pas dans sa miséricorde, et il épargne dans sa colère ; et toujours, quoi qu'il fasse, il reste bon et juste. Mais qui est capable d'un tel ministère5 ? La profondeur de ces jugements peut-elle être sondée et comprise par l'homme, tant qu'il gémit sous le poids de son corps corruptible, lors même qu'il posséderait déjà le gage du Saint-Esprit ?
