16.
Mais j'oubliais que votre intelligence perspicace vous autorisait à dire que «la passion est juste et vraiment digne d'éloge, si elle est un châtiment dont Dieu frappe celui qui lui désobéit, en permettant que le corps désobéisse à l'esprit ». Si vous puisiez aux données de la sagesse, vous comprendriez que la révolte de la partie inférieure de l'homme contre la partie supérieure ne saurait être qu'une iniquité ; vous ajouteriez également que c'est en toute rigueur de justice, que le pécheur est puni par l'iniquité de la chair, comme ce roi impie dont nous parlions a été puni par l'iniquité de l'esprit mauvais. Vous sentiriez-vous disposé à louer aussi l'esprit mauvais ? Eh bien ! voyons, n'hésitez pas. A qui sied-il mieux de louer l'esprit menteur, qu'à celui qui se pose en ennemi de la bonté gratuite de Dieu ? Vous trouverez sans peine ce que vous pouvez dire ; vos éloges sont tout préparés ; il suffit d'appliquer à cet esprit mauvais ce que vous avez dit de la passion et ce que vous présentez comme la conclusion rigoureuse de cette proposition par moi formulée : «Il eût été injuste que celui qui n'avait pas obéi à son maître, se vît obéi par son esclave, c'est-à-dire par son corps1 ». Et pourtant vous niez cette proposition, vous raillez sa fausseté, et, pour montrer qu'elle se réduit à l'absurde, vous concluez que, s'il en est ainsi, il ne vous reste plus qu'à faire de la passion le plus pompeux éloge. Vous ne refuserez certainement pas de voir le vengeur de l'iniquité, dans cet esprit menteur qui, par ses séductions, a entraîné la mort, du resté bien méritée, de ce roi impie. Voilà pourquoi je ne crains pas de dire qu'il eût été injuste que celui qui n'avait pas cru à la parole du Dieu véritable, ne fût pas trompé par un esprit menteur. Louez donc la justice de cette fausseté, et répétez ce que vous avez dit à la louange de la passion : «Le plus bel éloge que l'on puisse en faire, c'est d'affirmer qu'elle est le châtiment de l'iniquité commise, la réparation de l'injure faite à Dieu, «et une vengeance parfaitement adaptée au péché, dans lequel elle n'a pris aucune part ». Tout cela est fort beau, et peut très-bien s'appliquer à la gloire de cet esprit immonde. Par conséquent, puisqu'ici la cause est absolument la même, ou vous décernerez vos éloges à l'esprit mauvais, ou vous les refuserez à la concupiscence.
Du Mariage et de la Conc., liv. I, n. 7. ↩
